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Le schéma tensif

Par Louis Hébert

Université du Québec à Rimouski

louis_hebert@uqar.ca

1. Résumé

Fontanille

Jacques Fontanille

Zilberberg

Claude Zilberberg

Le schéma tensif, dispositif de la sémiotique post-greimassienne, a été introduit par Fontanille et Zilberberg. Dans le schéma tensif, une valeur donnée est constituée par la combinaison de deux «avalences » (ou dimensions), l’intensité et l’extensité (ou étendue). L’extensité est l’étendue à laquelle s’applique l’intensité ; elle correspond à la quantité, à la variété, à l’étendue spatiale ou temporelle des phénomènes. Intensité et extensité connaissent chacune des variations dans leur force, sur une échelle continue allant de la force nulle à la force maximale (voire infinie). Le schéma tensif est généralement représenté visuellement par un plan : on place l’intensité sur l’ordonnée et l’extensité sur l’abscisse. Sur ce plan, un phénomène donné occupera une ou plusieurs positions données. Intensité et extensité connaissent deux types de corrélation. La corrélation est dite converse ou directe si, d’une part, l’augmentation de l’une des deux valences s’accompagne de l’augmentation de l’autre et, d’autre part, la diminution de l’une entraîne la diminution de l’autre. La corrélation est dite inverse si l’augmentation de l’une des deux valences s’accompagne de la diminution de l’autre et réciproquement.

Soit la connaissance. Si l’intensité s’applique à la profondeur de la connaissance et l’extensité à l’étendue du champ de cette connaissance et que l’on distingue pour les deux valences les forces basse et élevée, on obtient quatre différents types de « connaisseurs » et de connaissances : (1) intensité et extensité basses (savoir peu sur peu), (2) intensité élevée et extensité basse (savoir beaucoup sur peu), (3) intensité basse et extensité élevée (savoir peu sur beaucoup), (4) intensité et extensité élevées (savoir beaucoup sur beaucoup). En général, on considère que l’intensité de la connaissance ne peut que diminuer si son étendue augmente, et réciproquement (corrélation inverse). Par exemple, en médecine, on est amené à choisir entre être un spécialiste (2) ou un omnipraticien (3). Notons que c’est relativement à la profondeur de la connaissance du spécialiste – et non à celle de l’homme de la rue, désastreusement faible – que la connaissance de l’omnipraticien peut être qualifiée de faible.

Ce texte se trouve en version longue dans le livre suivant:
Louis Hébert, Dispositifs pour l'analyse des textes et des images, Limoges, Presses de l'Université de Limoges, 2007.

Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée :
Louis Hébert (2006), « Le schéma tensif », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/fontanille/schema-tensif.asp.

2. THÉORIE

2.1 VALEURS ET VALENCES

Dispositif de la sémiotique post-greimassienne, le schéma tensif a été introduit par Fontanille et Zilberberg. Dans le schéma tensif, une valeur donnée est constituée par la combinaison de deux « valences » (ou dimensions), l’intensité et l’extensité (ou étendue). L’extensité est l’étendue à laquelle s’applique l’intensité ; elle correspond à la quantité, à la variété, à l’étendue spatiale ou temporelle des phénomènes. Les deux valences relèvent du quantitatif : la première, du mesurable ; la seconde, du nombrable.

REMARQUE : PRÉCISIONS SUR LES VALENCES

Selon Zilberberg, (2002 : 116), tempo et tonicité constituent les deux sous-dimensions de l’intensité, tandis que la temporalité et la spatialité sont les deux sous-dimensions de l’extensité ; les fonctifs de chacune des deux dimensions, c’est-à-dire les éléments qui les constituent, sont, pour l’intensité, faible/éclatant et, pour l’extensité, concentré/diffus (Zilberberg, à paraître).

Il nous semble que la temporalité et la spatialité laissent un résidu dans ce que devrait recouvrir l’extensité. En effet, l’extensité touche, en plus de l’étendue spatiale ou temporelle, la quantité et la variété des phénomènes en cause ; or, ceux-ci ne sont pas toujours réductibles à du spatial, sauf à prendre le terme dans un sens métaphorique, et peuvent correspondre, par exemple, à des concepts (par exemple, dans le cas de l’« étendue » de la connaissance).

Par ailleurs, lorsqu’on qualifie l’étendue de diffuse ou de concentrée (par exemple, voir Fontanille 2003 : 46), donnant par là une indication de densité, c’est qu’on combine implicitement deux aspects de l’étendue, à savoir la quantité des phénomènes et leur étendue spatiale ou temporelle. Fontanille (2003 : 110) donne l’intensité et l’affect, avec un « etc. », comme éléments pouvant figurer dans l’axe des intensités. La question se pose : peut-on placer sur un axe une valence composite ? Si la réponse est oui, on peut dès lors distinguer entre une utilisation analytique du schéma tensif et une utilisation synthétique. L’utilisation synthétique s’autorise à placer sur l’un des axes une valence composée : ainsi, on logera sur l’axe des intensités l’intensité d’un élément autre que celui qui se trouve sur l’axe de l’extensité ; par exemple, l’intensité de l’évaluation positive affectée à la connaissance (valence composée, tandis que l’intensité appliquée à la connaissance serait une valence simple) pourra augmenter en fonction de l’étendue de la connaissance (valence simple).

2.2 FORCE DES VALENCES

Intensité et extensité connaissent chacune des variations dans leur force, sur une échelle continue allant de la force nulle à la force maximale (voire infinie).

Comme d’autres dispositifs (le carré sémiotique, le carré véridictoire, le modèle actantiel, etc.), le schéma tensif est à la fois un réseau, une structure conceptuelle et une représentation visuelle de cette structure. Si on place l’intensité sur l’ordonnée d’un plan et l’extensité sur son abscisse, on obtient alors une représentation visuelle à deux axes.

Les deux axes du schéma tensif

Les deux axes du schéma tensif

Un phénomène donné occupera, en fonction de la force de l’intensité et l’extensité qui le caractérisent, une ou plusieurs positions données sur ce plan. Il est également possible de donner une représentation du schéma sous forme de tableau (nous en donnerons un exemple plus bas).

2.3 SECTEURS DES VALENCES ET ZONES DU SCHÉMA TENSIF

Il est possible de distinguer différents secteurs, en nombre variés, sur les échelles tensives.

2.3.1 SECTORISATION DYADIQUE

Par exemple, si l’on distingue pour chaque valence deux secteurs, un secteur de force basse (ou secteur atone) et un secteur de force élevée (ou secteur tonique), on obtient quatre combinaisons possibles entre les valences, définissant autant de zones :

Zone 1 : intensité basse et extensité basse
Zone 2 : intensité élevée et extensité basse
Zone 3 : intensité basse et extensité élevée
Zone 4 : intensité élevée et extensité élevée

En représentation schématique, cela donnera :
Les quatre zones du schéma tensif
Les quatre zones du schéma tensif

REMARQUE : PARTITION EN DEUX AIRES

Zilberberg (à paraître) opte pour une partition en deux aires, délimitée par la bissectrice du plan. Au-dessus de la bissectrice figure l’aire des valeurs d’absolu et au-bas de celle-ci, l’aire des valeurs d’univers

Soit un groupe d’émotions que nous appellerons l’attachement aux êtres. Au sein de ce groupe, nous distinguerons les émotions uniquement en termes quantitatifs, tout en étant conscient qu’une approche qualitative pourrait considérer que, par exemple, entre amour et amitié, il y une différence de nature et non pas (seulement) de quantité. L’axe des intensités se rapporte à l’intensité de l’émotion et l’axe des étendues au nombre d’êtres qui sont l’objet de cette émotion de la part d’un sujet donné. En prenant en compte une partition en quatre zones, on distinguera quatre grands types d’émotions. Dans la zone un, nous placerons (a) l’amour (ordinaire) ; dans la zone deux, (b) le « grand amour » ou l’« l’amour d’une vie » ; dans la zone trois, (c) l’amitié et dans la zone quatre, (d) l’« amour universel » ou la compassion. Raffinons l’analyse. Distinguons en termes d’extensité, d’une part, l’amour et le grand amour, celui-ci s’appliquant en principe à moins d’êtres que celui-là et, d’autre part, l’amitié et l’amour universel, qui, comme son nom l’indique, s’applique en principe à plus d’êtres que le premier. Par ailleurs, distinguons en termes d’intensité, d’une part, l’amour et l’amitié, ce dernier étant un sentiment en principe moins intense et, d’autre part, le grand amour et l’amour universel, pour peu que l’on considère ce dernier comme l’amour absolu en termes d’extensité mais également d’intensité. Visuellement, cette analyse plus fine peut être représentée ainsi :

Configuration tensive des émotions d’attachement
Configuration tensive des émotions d’attachement

2.3.2 SECTORISATIONS AUTRES QUE DYADIQUES

Nous avons donné un exemple de sectorisation dyadique, laquelle, lorsqu’elle s’applique sur les deux axes à la fois, génère quatre zones. Cependant, d’autres sectorisations sont possibles. Ainsi, une sectorisation triadique pourra distinguer, sur l’un et/ou l’autre des axes, les forces basse, moyenne et élevée, par exemple (voir notre typologie des 27 courbes d’euphorie esthétiques (Hébert, à paraître)) ; une sectorisation pentadique, quant à elle, les forces nulle, basse, moyenne, élevée et maximale (voire infinie), par exemple. Une sectorisation tétradique sur les deux axes permettrait d’attribuer une zone spécifique à chacune des quatre émotions auxquelles nous nous sommes attardées; certaines des douze autres zones créées par cette sectorisation pourraient convenir à la description d’autres émotions d’attachement.

2.4 ASPECTS DYNAMIQUES DU SCHÉMA TENSIF

Abordons maintenant les aspects dynamiques du schéma tensif.

2.4.1 CORRÉLATIONS DIRECTE/INVERSE

Intensité et extensité connaissent deux types de corrélation. La corrélation est dite converse ou directe si, d’une part, l’augmentation de l’une des deux valences s’accompagne de l’augmentation de l’autre et, d’autre part, la diminution de l’une entraîne la diminution de l’autre. Elle est alors de type « plus… plus… » ou « moins… moins… » La corrélation est dite inverse si l’augmentation de l’une des deux valences s’accompagne de la diminution de l’autre et réciproquement. Elle est alors de type « plus… moins… » ou « moins… plus… ».

Exemples de corrélations directe et inverse
Exemples de corrélations directe et inverse

Les deux corrélations définissent des zones de corrélations qui peuvent être approximativement représentées comme suit :

Zones de corrélation
Zones de corrélation

Reprenons notre exemple des émotions d’attachement. L’homme moyen est tributaire, en principe, d’une relation inverse en vertu de laquelle plus une émotion est intense moins elle s’applique à un grand nombre d’êtres. La zone de l’amour universel lui est étrangère.

REMARQUE :QUELQUES POSTULATS THÉORIQUES DU SCHÉMA TENSIF

Il n’y a pas lieu de discuter de tous les postulats théoriques associés au schéma tensif. Nous intéresse principalement ici son caractère opératoire brut, si l’on peut dire. Cependant, pour mémoire, voici certains des plus importants de ces postulats :

1. Intensité et extensité constituent, respectivement, le plan du contenu (plan des signifiés) et le plan de l’expression (plan des signifiants) (Fontanille, 2003 : 72). Puisque tout signe provient de la réunion de ces deux plans, tout signe, en principe du moins, est descriptible en termes tensifs.
2. L’intensité est de l’ordre du sensible (c’est-à-dire du perceptible et/ou du ressenti affectif, nous y reviendrons) ; l’extensité, de l’intelligible (Zilberberg, 2002 : 115 ; Fontanille, 2003 : 110).
3. L’intensité renvoie aux états d’âmes (passions) ; l’extensité aux états de chose (Zilberberg, 2002 : 115).
6. L’intensité correspond à l’« affection » (aux passions) ; l’extensité, à la cognition (Fontanille, 2003 : 110).
8. Intensité et extensité se décomposent chacune en deux sous-dimensions, ce sont, respectivement, le tempo et la tonicité, la temporalité et la spatialité (Zilberberg, 2002 : 116).
9. Les deux opérations fondamentales de l’intensité sont l’augmentation et la diminution ; celles de l’extensité sont le tri (qui augmente la diversité et/ou le nombre) et le mélange (qui diminue la diversité et/ou le nombre) (Zilberberg, à paraître).

2.5 SCHÉMAS TENSIFS ÉLÉMENTAIRES

En combinant la nature converse ou inverse de la relation tensive et son orientation dans le temps, on obtient quatre schémas tensifs élémentaires :

Schémas tensifs élémentaires
Schémas tensifs élémentaires

2.5.1 LE SCHÉMA DE LA DÉCADENCE

Le schéma de la décadence (ou schéma descendant) peut être trouvé, par exemple, dans le passage entre ce que les publicitaires appellent l’accroche, fortement affective mais souvent faible en étendue, et le reste de l’affiche (Fontanille, 2003 : 112).

2.5.2 LE SCHÉMA DE L’ASCENDANCE

Le schéma de l’ascendance (ou schéma ascendant) peut être trouvé, par exemple, en littérature dans le passage entre le corps d’une nouvelle et sa fin (chute), d’étendue plus faible mais d’intensité plus forte ; le même phénomène se produit, par exemple, entre le corps du sonnet et sa fin (ou pointe) (Fontanille, 2003 : 113).

2.5.3 LE SCHÉMA DE L’AMPLIFICATION

Le schéma de l’amplification (ou schéma amplifiant) se trouve, par exemple, dans la plupart des constructions symphoniques qui nous conduisent de la ligne à peine audible tenue par un seul instrument ou quelques-uns à sa reprise par de plus en plus d’instruments et ce, avec une intensité croissante (Fontanille, 2003 : 113). Pensons au Boléro de Ravel.

2.5.4 LE SCHÉMA DE L’ATTÉNUATION

Le schéma de l’atténuation (ou schéma atténuant) apparaît, par exemple, dans le drame à résolution heureuse ou la comédie où, à la fin, le nombre des problèmes et leur intensité se réduisent, quand les problèmes ne disparaissent pas entièrement.

2.6 COMBINAISONS DE SCHÉMAS TENSIFS ÉLÉMENTAIRES

Deux schémas tensifs ou plus peuvent s’enchaîner dans une production sémiotique. Quand cet enchaînement est stéréotypé, on parle de schéma tensif canonique (Fontanille, 2003 : 110). Par exemple, la tragédie classique française enchaîne, du quatrième au cinquième acte, un schéma d’atténuation – les conflits diminuent en nombre et s’apaisent – et un schéma d’amplification – la catastrophe advient et se généralise.

2.7 SCHÉMAS ORTHOGONAUX

Aucun des schémas tensifs élémentaires ne prévoit que l’une des valences soit constante tandis que l’autre varie, ce qui donnerait des droites orthogonales, horizontales ou verticales. Or, il est possible de prévoir déductivement l’existence de phénomènes dont la description nécessite des tracés impliquant une constante (au besoin, considérons que nous venons d’attester l’existence de tels phénomènes simplement en en évoquant la possibilité…). Qui plus est, nous verrons plus loin, dans notre analyse de la théorie pascalienne de la connaissance, un exemple de tels phénomènes. Combien peut-on prévoir de ces droites orthogonales ? Dans une sectorisation dyadique, on trouve : deux tracés verticaux, l’un à extensité faible constante, l’autre à extensité forte constante et deux tracés horizontaux, l’un à intensité faible constante et l’autre à intensité forte constante. Comme chacune des droites peut être parcourue dans deux directions (par exemple, pour une intensité constante, l’extensité peut-être croissante ou décroissante), on obtient ainsi huit nouveaux trajets, pour un grand total de 12 types de trajets.

3. APPLICATION : LA CONNAISSANCE SELON PASCAL

Prenons cette pensée de Pascal (Pensées, 37-195) sur la connaissance : « Puisqu’on ne peut être universel et savoir tout ce qui peut se savoir sur tout, il faut savoir peu de tout. Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose ; cette universalité est la plus belle. Si on pouvait avoir les deux, encore mieux, mais s’il faut choisir, il faut choisir celle-là, et le monde le sent et le fait, car le monde est un bon juge souvent. » Le mot « tout » dans cette réflexion n’est pas à prendre à chaque fois au sens fort, absolu, mais parfois au sens de « beaucoup ». En effet, l’homme chez Pascal (Pensées : 72-199) est pris entre néant et infini et ne peut de ce fait accéder ni à l’un ni à l’autre.

Si l’intensité s’applique à la profondeur de la connaissance et l’extensité à l’étendue du champ de cette connaissance, on situera ainsi quatre différents types de « connaisseurs » et de connaissances.

Schéma tensif de la connaissance
Schéma tensif de la connaissance

Pascal exploite les quatre zones et les hiérarchise : la meilleure zone, la quatrième, étant inaccessible aux hommes, il faut préférer la troisième à la deuxième ; la première zone, implicitement présente, est dévalorisée : elle dépeint l’état initial de l’homme qu’il faut quitter (« il faut savoir peu de tout »). Le connaisseur situé à la jonction d’une extensité élevée et d’une intensité faible (mais tout de même supérieure à celle de l’homme ordinaire) correspond à l’idéal classique, auquel souscrit Pascal. En effet, à la différence de l’homme renaissant, dont l’idéal est celui du savoir universel (pensons au savantissime Pic de la Mirandole), l’« honnête homme » classique doit savoir, et ne peut que savoir, un peu de tout. La conception classique relève d’un pessimisme cognitif ; la conception humaniste, d’un optimisme cognitif où l’homme doit en quelque sorte rivaliser avec ce Dieu qui sait tout de tout.

Sur un autre plan, deux conceptions de la connaissance semblent se conjuguer chez Pascal. La première conception, qui se rapporte au potentiel cognitif de l’homme, postule en quelque sorte une énergie cognitive constante et instaure une corrélation de type inverse entre les deux axes : tout comme la pression d’un gaz diminue si on augmente le volume qu’il occupe, l’intensité de la connaissance décroît si le nombre d’objets qu’elle veut embrasser croît. La corrélation converse, où l’énergie cognitive varierait, théoriquement possible, est implicitement jugée impossible dans la pratique. La seconde conception, qui se rapporte au capital des connaissances, postule une augmentation possible des connaissances par accroissement de l’une des deux valences à la fois, soit de l’intensité, soit de l’extensité (la déperdition des connaissances n’est pas envisagée).

Or, aucun des schémas tensifs élémentaires ne prévoit que l’une des valences soit constante tandis que l’autre varie. On pourrait arguer que le tracé qui va de la zone un à la zone trois est en pente et que le peu de la seconde est supérieur au peu de la première ; bref que l’apparente horizontale se révèle être une diagonale si l’on augmente la précision de l’analyse en tenant compte des multiples positions possibles dans une même zone. Quoi qu’il en soit, il est plus difficile d’appliquer cette même objection pour le tracé qui va de la zone un à la zone deux : l’approfondissement de la connaissance peut ne pas entraîner une augmentation de l’extensité, s’il s’applique à un objet de savoir déjà inclus dans le savoir peu initial. Nous revenons donc à notre point de départ : comment intégrer la description de ces droites orthogonales dans le schéma tensif ? Ne faisons état que de l’une des solutions envisageables et distinguons – ici comme dans d’autres descriptions tensives, voire dans toutes – les schémas tensifs élémentaires, nécessairement marqués par une relation converse ou inverse, des déplacements tensifs élémentaires, qui peuvent ne pas connaître une telle relation. Pascal n’utilise que deux des déplacements non converses et non inverses, en particulier il ne prévoit pas le passage de la zone deux à la zone un et de la zone trois à la zone un.

4. OUVRAGES CITÉS

FONTANILLE, J. (2003), Sémiotique du discours, Limoges, Presses de l’Université de Limoges.
HÉBERT, L. (à paraître), « Typologies et segmentations du temps. Les courbes d’euphorie esthétique », dans L. Hébert et L. Guillemette (dir.), Signes des temps. Temps et temporalités des signes, Québec, Presses de l’Université Laval.
ZILBERBERG, C. (à paraître), Éléments de sémiotique tensive, Québec/Limoges, Presses de l’Université Laval/Presses de l’Université de Limoges.

5. EXERCICE

Complétez l’étude des connaisseurs et des connaissances chez Pascal et à partir de Pascal en analysant cette pensée (Pensées : *327-83):

« Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l’homme. Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle où se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes, qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent en cette même ignorance d’où ils étaient partis ; mais c’est une ignorance savante qui se connaît. Ceux d’entre deux, qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux-là troublent le monde, et jugent mal de tout. Le peuple et les habiles composent le train du monde ; ceux-là le méprisent et sont méprisés. Ils jugent mal de toute chose, et le monde en juge bien. »


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