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La hiérarchie sémiotique

Par Sémir Badir

Fonds national belge de la recherche scientifique / Université de Liège

semir.badir@ulg.ac.be

1. RÉSUMÉ

Hjelmslev

Louis Hjelmslev

Selon Hjelmslev, la sémiotique est avant tout une hiérarchie. Sa particularité est d’être conduite par un principe dynamique en fonction de laquelle elle est dédoublée dans toutes les directions : en expression et contenu, en système et procès, en sémiotiques dénotatives et sémiotiques non dénotatives et, parmi ces dernières, en métasémiotiques et sémiotiques connotatives.

Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée :
Sémir Badir (2006), « La hiérarchie sémiotique », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/hjelmslev/hierarchie-semiotique.asp.

2. THÉORIE

2.1. APERÇU DE LA PROBLÉMATIQUE

Par le terme de sémiotique, deux choses a priori non semblables sont communément désignées. D’une part (sens 1), on entend par sémiotique une discipline à même de proposer une méthode pour l’analyse des phénomènes de signification ainsi qu’une théorisation des tenants et aboutissants de cette analyse. D’autre part (sens 2), on désigne par là également le résultat d’une analyse sémiotique au sens 1. Ainsi, par exemple, il existe une sémiotique musicale (sens 1) qui cherche à modéliser la musique comme phénomène global de signification ; et, par ailleurs, il est possible de considérer que la musique elle-même, d’un point de vue synchronique (la musique d’une époque et d’une culture données), si ce n’est pas d’un point de vue panchronique (la musique en général), est une sémiotique au sens 2, dotée à la fois d’un système (distinctions entre notes, durées, timbres, etc.) et d’un procès (relations régulières entre sons dans l’un ou l’autre de leurs aspects).

Pour Hjelmslev, les deux acceptions de la sémiotique doivent être articulées l’une à l’autre. La sémiotique en tant que discipline est ainsi (idéalement) conforme elle-même aux résultats de ses analyses. Elle est donc également dotée d’un système et d’un procès. Pour que la distinction entre les deux acceptions persiste néanmoins, il faut concevoir que la sémiotique, considérée dans son ensemble, contient des sémiotiques particularisées, certaines propres à développer des théories et des méthodes (ce sont les sémiotiques que Hjelmslev appelle métasémiotiques), d’autres étant destinées à la possibilité même de hiérarchisation sémiotique (c’est le rôle des sémiotiques dites connotatives).

Francis Whitfield, le traducteur anglais de Hjelmslev, a réalisé un tableau illustrant la hiérarchie sémiotique en ses parties constitutives (dans Hjelmslev, 1975 : XVIII ; repris en traduction française dans Hjelmslev, 1985 : 17).

La classe des sémiotiques
La  classe des sémiotiques

REMARQUE : LIMITE DE LA REPRÉSENTATION GRAPHIQUE

Le tableau ci-dessus ne présente qu’un aspect des fonctions établies entre les composantes sémiotiques, à savoir leurs fonctions paradigmatiques (les rapports de classe à élément de classe). Une représentation complète, capable de rendre compte de la spécificité de la sémiotique, devrait également donner à voir les fonctions syntagmatiques (les rapports d’implication) qui s’exercent entre les différentes composantes. Or les graphiques en arbre ne se prêtent guère à une telle représentation. C’est là une difficulté que Hjelmslev lui-même n’a pas pu surmonter tout à fait.

2.2. SÉMIOTIQUES ET NON SÉMIOTIQUES

Dès les Principes de grammaire générale, son premier ouvrage, écrit en français en 1928, Hjelmslev met en avant le principe de classification à l’œuvre dans tout langage. « Les catégories », écrit-il, « sont, en tant que telles, une qualité fixe du langage. Le principe de classification est inhérent à tout idiome, en tout temps et en tout lieu » (Hjelmslev, 1928 : 78). La linguistique est ainsi, dans ses trois paliers d’analyse (phonologie, grammaire, lexicologie) une science des catégories.

Il ajoute cependant que « la science des catégories doit se mettre sur le terrain même du langage et rechercher, sans égard aux catégories établies par la logique et par la psychologie, les catégories qui sont caractéristiques au langage, qui lui sont propres, et qui ne se retrouvent nulle part en dehors de son domaine » (Hjelmslev, 1928 : 80). Or, ce domaine, Hjelmslev va bientôt l’étendre à d’autres langages que les langages verbaux, mais non pas au point d’y inclure n’importe quel système de classement.

Les sémiotiques constituent ce domaine élargi, et elles se distinguent d’autres systèmes de classement en ceci que leur analyse est fondée à tous les niveaux sur une certaine uniformité (ou homogénéité).

2.2.1 EXPRESSION ET CONTENU

Cette uniformité se trouve d’abord entre les composantes de toute sémiotique. Selon l’usage, on appelle l’une de ces composantes plan de l’expression et l’autre plan du contenu. La raison en est que, en règle générale, les formes d’expression sont visibles dans l’objet (elles sont « exprimées »), tandis qu’aux formes de contenu il revient de rendre compte de la signification (l’objet sémiotique « contient » des formes de contenu). L’essentiel est cependant ailleurs, à savoir que l’analyse d’un objet sémiotique (ordinairement : un texte) est toujours conduite uniformément par une distinction initiale entre deux composantes. Cela revient à dire que pour Hjelmslev, comme pour Saussure, on ne saurait donner la prévalence ni à l’expression ni au contenu mais que tous deux doivent être analysés en même temps (Hjelmslev, 1928 : 88).

REMARQUE : ISOMORPHISME ET NON-CONFORMITÉ

Il est vrai que Hjelmslev affirme par la suite que les plans sémiotiques doivent aussi être non conformes l’un à l’autre, sans quoi leur distinction est rendue caduque (Hjelmslev, 1971 : 141). L’explicitation de ce principe de non-conformité demande trop de développements théoriques pour être donnée ici. Qu’il soit seulement dit que ledit principe ne relève pas directement de la question traitée dans ce chapitre, celui de la hiérarchisation, et que, par ailleurs, la non-conformité n’entrave aucunement l’isomorphisme des plans sémiotiques (c’est-à-dire l’identité proportionnelle de leur structure).

REMARQUE : UNE REPRÉSENTATION SYMBOLIQUE

Pour ne rien arranger, il faut reconnaître que la représentation graphique des sémiotiques présentée ci-dessus propose en fait un classement qui est lui-même non sémiotique (c’est un classement symbolique), car elle donne indifféremment à voir un plan d’expression (la terminologie adoptée par Hjelmslev dans sa théorie) ou un plan du contenu (le sens affecté à chacun des termes énoncés), chacun des plans étant conforme à l’autre.

2.2.2 FONCTIONS PARADIGMATIQUES

D’une part, les sémiotiques sont analysées par des fonctions paradigmatiques selon lesquelles on établit des distinctions en leur sein. On peut toujours exprimer une telle fonction par la coordination de deux éléments introduits par ou : « ou ceci ou cela ». L’analyse de telles fonctions est applicable dans l’analyse à n’importe quels éléments de la sémiotique, quel que soit leur ordre de grandeur (son, mot, phrase, idée, trait abstrait). Trois résultats sont possibles : (1) deux constantes sont distinguées de ce fait ; (2) aucune constante n’est distinguée, de sorte que les éléments en présence sont laissés à l’état de variables ; (3) l’un des éléments est considéré comme la variable de l’autre.

Les trois types de fonctions paradigmatiques

ou ceci ou cela, exclusivement

constante ↓ constante

fonction de complémentarité

ou ceci ou cela, indifféremment

variable ↑ variable

fonction d’autonomie

ou ceci, ou plus particulièrement cela

constante –| variable

fonction de spécification

Par exemple, en français, le masculin et le féminin sont deux constantes (de contenu) en ce qui concerne les êtres animés. En revanche, à l’égard des êtres inanimés, ils sont généralement regardés comme des variables ; aussi parle-t-on des villes, qui n’ont pas de genre grammatical désigné, tantôt au féminin tantôt au masculin. Enfin, par rapport à la classe même du sexe, ils présentent chacun une variable, le sexe étant alors posé comme la constante de contenu.

Naturellement, la linguistique vise d’abord à l’établissement des constantes, soit dans un rapport de complémentarité, soit dans un rapport de spécification. Du point de vue paradigmatique, le plan d’expression et le plan de contenu sont ainsi en sémiotique (par exemple, dans une langue verbale) complémentaires, alors que dans un système symbolique (par exemple, dans un langage de programmation informatique) ils sont autonomes.

2.2.3 FONCTIONS SYNTAGMATIQUES

D’autre part, l’analyse sémiotique établit des relations entre les éléments. On exprime cette relation par la coordination de deux éléments introduits par et : « et ceci et cela ». Là encore, l’analyse fait état de trois types de fonctions syntagmatiques : (1) la présence d’un des éléments rend nécessaire la présence de l’autre, et réciproquement ; (2) la présence d’un des éléments n’est pas nécessaire à l’autre ; (3) la présence d’un des éléments est nécessaire à l’autre sans impliquer la réciproque.

Les trois types de fonctions syntagmatiques

et ceci et cela, nécessairement

constante ↔ constante

fonction de solidarité

et ceci et cela, sans nécessité

variable – variable

fonction de combinaison

quand ceci, alors nécessairement cela aussi

variable → constante

fonction de sélection

Une phrase verbale est la relation nécessaire entre un syntagme nominal et un syntagme verbal ; ceux-ci sont les deux constantes syntagmatiques de la phrase. Il n’y a pas en revanche de relations régulières entre les catégories du verbe et de l’adverbe : le verbe peut être présent sans l’adverbe, et l’adverbe peut déterminer autre chose qu’un verbe (par exemple un adjectif, tel que très dans très beau) ; verbe et adverbe sont des variables l’un pour l’autre. Par contre, l’article appelle nécessairement un substantif, mais le contraire n’est pas vrai ; le substantif est, dans cette relation, la constante et l’article, la variable.

Du point de vue syntagmatique, expression et contenu sont toujours solidaires : si l’analyse dégage un plan d’expression pour un objet donné, alors elle doit également dégager un plan de contenu, et inversement, sans quoi l’objet ne serait pas un objet sémiotique (ce qu’on n’est pas censé savoir avant d’avoir procédé à son analyse).

REMARQUE : SUR LES LOIS LINGUISTIQUES

La nécessité d’une fonction syntagmatique est toute relative au corpus examiné. La prudence inciterait à parler de régularité plutôt que de nécessité, car la langue fourmille de cas irréguliers et ses règles sont par ailleurs toujours sujettes à la contravention rhétorique. Si l’on maintient toutefois le terme, c’est pour insister sur la visée prédictive de l’analyse linguistique : ce que celle-ci a enregistré comme une régularité dans des textes attestés doit être encore valable pour les textes à venir.

2.3 SÉMIOTIQUES DÉNOTATIVES ET SÉMIOTIQUES NON DÉNOTATIVES

L’analyse sémiotique est d’abord destinée aux langues naturelles ; elle en établit les systèmes à travers les fonctions paradigmatiques et les procès à travers les fonctions syntagmatiques, tant sur le plan de l’expression que sur celui du contenu. Les textes, une fois l’analyse effectuée, sont équivalents à des procès, puisqu’ils constituent des chaînes d’éléments sémiotiques mis en relation les uns avec les autres.

Secondairement, l’analyse sémiotique s’applique également, sans surcoût théorique, à d’autres langages, et c’est à cette extension qu’elle gagne son nom de sémiotique.

Mais, en troisième lieu, l’analyse sémiotique s’applique encore à des formes de langage qui ne peuvent pas être ramenées à deux plans (leurs composantes ne sont pas paires). Ces langages sont dits non dénotatifs. Il en est de deux sortes : les métasémiotiques et les sémiotiques connotatives.

2.4. MÉTASÉMIOTIQUES

Les métasémiotiques prennent leur source dans des sémiotiques dotées, pour ainsi dire, d’un plan de contrôle. Grâce à ce plan, chaque élément du contenu trouve à s’adjoindre une expression sous un rapport de dénomination.

C’est ce que l’on fait lorsqu’on dit, dans un exemple célèbre exploité par Roland Barthes, que dans telle publicité pour des pâtes françaises les teintes jaunes et vertes sur fond rouge (les couleurs du drapeau italien) signifient l’italianité (Barthes, 1982 : 26). Italianité est une expression métasémiotique pour désigner la signification d’éléments visuels (de couleurs).

En outre, quand on dit que l’expression arbor signifie « arbre » (Saussure, 1916 : 99), on ne fait pas autrement, seulement c’est ici à la fois l’expression et le contenu qui trouvent, à travers des marques typographiques distinctes (italiques ou guillemets) et des langues différentes (latin ou français), des expressions métasémiotiques qu’on appelle dans ce cas des autonymes. Le contrôle métasémiotique sert ici à éviter dans l’analyse toute équivoque entre expression et contenu.

Enfin, l’expression métasémiotique a également un pouvoir de généralisation en permettant la désignation des catégories. Parler de verbe, comme le fait la linguistique, c’est attribuer une dénomination à plusieurs fonctions syntagmatiques rassemblées sous ce commun dénominateur. Autrement dit, l’expression métasémiotique verbe est apte à rendre compte d’une fonction syntagmatique qui est analysée dans chaque verbe en particulier (Badir, 2000 : 122-123).

Or, il peut s’avérer utile d’inclure ce plan de contrôle dans une sémiotique spécifique, car l’esprit humain semble apte à jongler avec les expressions métasémiotiques (l’écriture en est le premier témoignage, et combien complexe). C’est ainsi que se constitue une métasémiotique, dont l’un des plans est constitué par ce plan de contrôle et l’autre par la sémiotique-objet. De ce fait, la métasémiotique redevient une structure binaire mais à deux paliers (dans le tableau ci-dessous, E vaut pour expression, C pour contenu).

Structure métasémiotique

métasémiotique

plan de contrôle (E)

sémiotique-objet (C)

 

plan d’expression (E)

plan de contenu (C)

2.5 SÉMIOTIQUES CONNOTATIVES

Le plan qu’on adjoint à une sémiotique ne remplit cependant pas toujours le rôle d’un contrôle. En réalité, on peut toujours adjoindre un plan tiers à une sémiotique afin de rendre compte de tout ce qui a été manqué par l’analyse, de tout ce qui a fait figure de particularités ou d’exceptions.

Les variantes sont le témoignage de ce manque analytique. Si l’on cherche à en dire tout de même quelque chose, c’est qu’on les constitue en invariantes en fonction de considérations spéciales ou réduites que Hjelmslev appelle des connotateurs. Le plan tiers est ainsi constitué par des considérations non retenues lors de l’analyse première (dite dénotative). D’ordinaire, on le tient pour un plan de contenu, car on suppose que les objets sémiotiques ne peuvent pas être intrinsèquement modifiés par ces considérations (c’est là, on le sent, un point délicat qui ne peut être soutenu que par l’appréciation de l’analyste).

Structure connotative

sémiotique connotative

sémiotique dénotative (E)

plan des connotateurs (C)

plan d’expression (E)

plan de contenu (C)

 

Par exemple, Hjelmslev soutient qu’une langue donnée s’analyse tant en fonction de ses textes écrits que de ses énoncés oraux ; autrement dit, que ses règles de syntaxe, ses formations morphologiques et son vocabulaire sont communs aux productions orales comme écrites. Et, sans doute, chacun peut admettre que cette appréciation n’est pas sans fondement. Néanmoins des particularités subsistent assurément, que l’analyse linguistique a dû laisser à l’état de variantes. Pour rendre compatible l’analyse qui va s’occuper de ces variantes avec l’analyse première, il suffit alors de constituer un plan où oralité et écriture peuvent être incluses comme deux invariantes paradigmatiques de contenu d’un genre particulier : oralité et écriture sont établies en connotateurs. De ce fait, l’analyse première reste valable, quoique toujours susceptible de particularisation au regard de la fonction paradigmatique nouvellement instituée (Hjelmslev, 1971 : 145-147).

Plus globalement, la sémiotique connotative est à même de préciser le pallier de particularisation choisi pour telle ou telle analyse sémiotique. Car l’analyse sémiotique cherche rarement à s’appliquer à n’importe quelle donnée de langage (cela n’est vrai que pour ses composantes théoriques, notamment celles qui sont exposées ici). La linguistique commence par admettre l’existence de la pluralité des langues verbales et fait reposer ses analyses sur des corpus distincts pour chaque langue. C’est à la sémiotique connotative qu’il revient d’instituer chaque langue en connotateur. Ainsi quand on parle d’« analyse linguistique du français », français est un connotateur car il détermine dans quel cas particulier l’analyse est valable.

3. APPLICATION

La hiérarchie sémiotique ne connaît actuellement qu’en une seule application un déploiement étendu, précisément celle pour laquelle sa théorisation a été menée, à savoir la hiérarchie métasémiotique des langages verbaux (comme illustrée dans l’arborescence de Whitfield reproduite en 2.1).

Hiérarchie métasémiotique dont les sémiotiques-objets sont les langues

 

 

analyse du plan de l’expression

analyse du plan du contenu

sémiologies internes

du point de vue paradigmatique

phonologie

lexicologie

point de vue syntagmatique

« morphologie »

grammaire

sémiologies externes

paradigme des connotateurs historiques et géographiques

phonologie historique et dialectale

lexicologie historique et dialectologie

grammaire comparée et historique

paradigme des connotateurs sociaux

sociolinguistique, linguistique de la langue écrite

paradigme des connotateurs psychiques

pédolinguistique, psycholinguistique, analyse des troubles du langage

paradigme des connotateurs culturels

rhétorique, stylistique, narratologie

métasémiologies internes

phonétique

sémantique

métasémiologies externes

physique et physiologie du son

interprétations extrinsèques

Commençons par commenter les entrées. En colonnes, la hiérarchie subdivise l’analyse en deux composantes, dites plan de l’expression et plan du contenu. Il arrive toutefois que cette subdivision ne soit pas établie partout (cas de la grammaire comparée), soit que deux analyses sémiotiques distinctes portent en pratique la même dénomination, soit que l’analyse s’avère en fin de compte non sémiotique. En lignes, la hiérarchie départage les analyses en fonction des sémiotiques-objets : d’abord selon leur degré dans la hiérarchie (sémiotique ou déjà métasémiotique) ; puis en distinguant les sémiotiques dénotatives (traitées par les sémiologies internes) et les sémiotiques connotatives (que décrivent les sémiologies externes) ; enfin, en appréhendant les sémiotiques dénotatives ou bien selon les fonctions paradigmatiques ou bien selon les fonctions syntagmatiques. À noter toutefois que l’organisation hiérarchique s’établit à rebours de la pratique analytique, par élargissement progressif : en pratique on commence donc toujours par une analyse dénotative, plus précisément par une analyse paradigmatique.

Dans ce tableau, les sémiologies et métasémiologies internes établissent les langues comme des sémiotiques dénotatives, tandis que les sémiologies et métasémiologues externes les traitent en fonction de connotateurs. L’effectuation de ces dernières se fait donc sous la dépendance des premières.

Par ailleurs, les métasémiologies exercent un contrôle sur les sémiologies, à savoir qu’elles permettent de vérifier leur adéquation aux faits de langage, mais il n’y a pas de corrélation particulière entre sémiologie interne et métasémiologie interne, d’un côté, sémiologie externe et métasémiologie externe, de l’autre côté. Ainsi, par exemple, une analyse sémantique permettra d’étayer aussi bien une dérivation lexicale qu’un schéma narratif ; en retour, l’analyse physiologique du son peut servir de descripteur pour la reconnaissance d’une invariante phonologique (désigner une invariante par le trait physiologique palatale) ou pour la caractérisation du langage enfantin (parler de « click labial » pour une certaine production onomatopéique des enfants de 12 mois, dite aussi « son du baiser » — ce dernier exemple est cité dans Jakobson, 1969 : 29).

Morphologie est à prendre dans un sens spécifique, non pas complètement étranger au sens commun mais plus précis. La morphologie concerne ce que Hjelmslev appelle, dans les Principes de grammaire générale, les fonctions entre formes grammaticales (Hjelmslev, 1928 : 112-127).

On remarquera enfin que, si la linguistique peut être considérée comme une métasémiotique parmi d’autres, rien n’empêche de considérer, sous un autre angle, que la sémiotique fournit des connotateurs culturels à une analyse linguistique englobante. Les deux perspectives demeurent compatibles dans la glossématique (nom de la théorie du langage de Hjelmslev) et même y sont-elles vues, au profit de la sémiotique, comme complémentaires.

4. OUVRAGES CITÉS

BADIR, S. (2000), Hjelmslev, Paris, Belles-Lettres.
BARTHES, R. (1982) [1964], « Rhétorique de l’image », L’Obvie et l’Obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, p. 25-42.
HJELMSLEV, L. (1928) [1929], Principes de grammaire générale, Copenhague, Bianco Lunos Bogtrykkeri.
HJELMSLEV, L. (1971) [1943], Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit.
HJELMSLEV, L. (1975), Résumé of a Theory of Language. Travaux du Cercle linguistique de Copenhague, XVI, Copenhague, Nordisk Sprog-og Kulturforlag.
HJELMSLEV, L. (1985), Nouveaux essais, Paris, Presses universitaires de France.
JAKOBSON, R. (1969), Langage enfantin et aphasie, Paris, Minuit.
SAUSSURE, F. de (1919) [1916], Cours de linguistique générale, Paris, Payot.

5. EXERCICES

Sur base du corpus swahili (langue bantoue parlée au Kenya, en Tanzanie) suivant :

EXPRESSION

CONTENU

atanipenda

il m'aimera

atapenda

il aimera

ninapenda

j'aime

kupenda

aimer

tutampenda

nous l’aimerons

kupendana

s'aimer (réciproquement)

A. Faites l’inventaire des fonctions de complémentarité (constante ↓ constante) et de spécification (classe –| composante de classe) du plan du contenu.

B. Établissez deux fonctions de sélection (variable → constante) du plan de contenu.

C. Établissez une fonction de solidarité (constante ↔ constante) et deux fonctions de sélection entre graphèmes (ici, des lettres de l’alphabet romain).


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