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L'analyse par classement

Par Louis Hébert
Université du Québec à Rimouski
louis_hebert@uqar.ca

Connaître, penser, c'est classer.
Georges Clémenceau

[L]'esprit humain sembl[e] tendre naturellement à la classification et à la hiérarchisation (ou à l'anarchie, ce qui revient au même) [...]
G. Girard, R. Ouellet et C. Rigault, L'univers du théâtre

1. Résumé

Une unité appartient à une classe, est un de ses éléments, si elle correspond à la définition de cette classe, à savoir si elle en possède la ou les propriétés (ou traits) définitoires; en ce sens, une analyse par classement est toujours une analyse comparative, puisqu’il s’agit de comparer les traits définitoires de la classe et les traits de l’élément potentiel. Distinguons deux grandes formes d’analyse par classement opérée à partir d’une production sémiotique (texte, image, etc.) : (1) le classement de la production, qui consiste à classer globalement la production dans une classe donnée (par exemple, dans un genre en tant que classe) et (2) le classement dans la production, qui consiste à classer des éléments constitutifs de cette production, que ce soit (2.1) des éléments « réels » (par exemple, on classe chaque phrase d’un texte en affirmative, négative, interrogative, etc.) ou (2.2) des éléments thématisés, représentés dans le contenu (dans les signifiés). C’est cette toute dernière sorte d’analyse qui sera visée ici. Ce type d’analyse par classement consiste à dégager de l’objet analysé – et à en interpréter les causes, modalités et effets de la présence – une structure thématisée plus ou moins complexe faite (1) de classes englobantes, (2) de classes englobées, (3) d’éléments appartenant à ces classes. Ainsi, pour donner un exemple simple, le sonnet « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx » de Mallarmé traite d’au moins trois classes d’absence : l’absence au sens ordinaire (éléments : le salon vide, l’oubli, etc.); l’absence par destruction (éléments : les cendres de l’amphore cinéraire, la défunte, etc.); l’absence par irréalité (éléments : les personnages mythologiques, le rêve, etc.). L’absence est alors une classe englobante et chacune des trois sous-classes d’absence, une classe englobée. Un classement, lorsqu’il atteint un certain degré de complexité, est généralement représenté par une schématisation visuelle quelconque, par exemple des graphes ensemblistes ou un arbre, une arborescence.

Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée :
Louis Hébert (2011), « L’analyse par classement », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec),
http://www.signosemio.com/analyse-par-classement.asp.

2. THÉORIE

2.1 PRÉSENTATION GÉNÉRALE

2.1.1 QUATRE OPÉRATIONS COGNITIVES

Soit quatre grandes opérations cognitives et les formes d’analyses complexes qu’elles sous-tendent :

1. Comparaison: un sujet observateur donné, en un temps donné, établit entre deux objets ou plus une ou plusieurs relations comparatives (identité, similarité, opposition, altérité, similarité métaphorique, etc.).

2. Décomposition : un sujet observateur, en un temps donné, dégage les parties d’un tout; l’opération inverse est la composition (qui consiste à ne plus envisager les parties mais que le tout, à ne plus « voir » le sucre et les œufs dans la meringue). La décomposition peut porter sur un objet physique : l’objet couteau = lame + manche + rivets ou sur un objet conceptuel : le signifié ‘couteau’ = sèmes /ustensile/ + /pour couper/ + /doté d’une lame/, etc. La décomposition peut être de nature physico-cognitive – on démonte un couteau, un meuble en kit (on peut alors parler de désassemblage et, à l’opposé, d’assemblage) – ou simplement cognitive – on dégage intellectuellement les parties d’un couteau sans le démonter pour autant.

3. Typicisation (ou catégorisation) : un sujet observateur, en un temps donné, rapporte une occurrence (par exemple, cet animal) à un type (par exemple, un chien), un modèle dont elle constitue une manifestation, une émanation, plus ou moins conforme et intégrale.

4. Classement : un sujet observateur, en un temps donné, rapporte un élément (par exemple, une bille noire) à une classe (les billes noires). Le classement peut être physico-cognitif – on trie les billes selon leur couleur – ou simplement cognitif – on rapporte telle bille à son ensemble. Nous insisterons plus loin sur ce qui distingue classe et type, d’une part, et occurrence et élément, d’autre part.

Les trois dernières opérations sont similaires en ce qu’elles mettent en présence des formes globales (tout, classe, type) et des formes locales (partie, élément, occurrence). De plus, le classement et la typicisation sont des formes de comparaison. En effet, pour déterminer si une unité appartient à une classe, est un de ses éléments, on compare les propriétés (ou traits) définitoires de la classe (par exemple, être vertébré) et celles de l’élément potentiel (cet animal est bien vertébré); pour déterminer si une unité relève de tel type, on compare les propriétés du type (par exemple, un texte romantique est écrit au « je », exprime une émotion et de forte intensité, etc.) et celles de son occurrence potentielle (ce texte possède les propriétés du texte romantique, il est donc un texte romantique). Enfin, un même phénomène peut être vu en même temps sous l’angle des opérations de décompostion (ce mot-tout est constitué de ces parties-lettres), sous l’angle des opérations de classement (ce mot-élément fait partie de la classe des substantifs) et sous l’angle des opérations de typicisation (ce mot-occurrence est une manifestation du type substantif).

2.1.2 SENS DU MOT « CLASSEMENT »

Le mot « classement » désigne : (1) une opération cognitive; (2) son produit simple (le classement de tel élément dans telle classe); (3) la structure plus ou moins complexe construite par plusieurs classements simples (par exemple, une typologie taxinomique représentant les espèces animales, une typologie de formes textuelles); et enfin (4) une forme d’analyse.

Distinguons deux grandes formes d’analyse par classement opérée à partir d’une production sémiotique (texte, image, etc.) : (1) le classement de la production, qui consiste à classer globalement la production dans une classe donnée (par exemple, dans un genre en tant que classe) et (2) le classement dans la production, classement local qui consiste à classer des éléments constitutifs de cette production, que ce soit (2.1) des éléments « réels » (par exemple, on classe chaque phrase d’un texte en affirmative, négative, interrogative, etc.) ou (2.2) des éléments thématisés, représentés dans le contenu (dans les signifiés) (par exemple, les formes d’amitiés présentes dans un roman). Un classement global utilise nécessairement un ou des classements locaux; par exemple, pour vérifier si un poème est bien un poème romantique, on vérifiera si les principaux thèmes romantiques sont présents (le moi, l’émotion intense, etc.). Mais un classement local peut être autonome et ne pas viser un classement global du texte; par exemple, on aura classé chaque phrase du texte en affirmative, négative, interrogative, etc., sans nécessairement avoir pour objectif de classer le texte globalement, par exemple, en texte affirmatif parce que les phrases de ce type y seraient prépondérantes.

C’est le classement des éléments thématisés que nous allons approfondir maintenant. Ce type d’analyse par classement consiste à dégager de l’objet analysé – et à en interpréter les causes, modalités et effets de la présence – une structure thématisée plus ou moins complexe faite (1) de classes englobantes, (2) de classes englobées, (3) d’éléments appartenant à ces classes. Ainsi, pour donner un exemple simple, le sonnet « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx » de Mallarmé traite d’au moins trois classes d’absence : l’absence au sens ordinaire (éléments : le salon vide, l’oubli, etc.); l’absence par destruction (éléments : les cendres de l’amphore cinéraire, la défunte, etc.); l’absence par irréalité (éléments : les personnages mythologiques, le rêve, etc.). L’absence est alors une classe englobante et chacune des trois sous-classes d’absence, une classe englobée.

Les statuts englobant/englobé sont relationnels et donc relatifs et n’ont pas de valeur absolue. Ainsi une classe B peut être englobante relativement à une classe C mais englobée relativement à une classe A. Et c’est sans compter que les rôles peuvent être inversés : la classe B englobant la classe A peut devenir englobée par cette dernière (nous en verrons un exemple plus loin). La relation entre une classe englobante et ses classes englobées est l’inclusion (par exemple, la classe des mammifères inclut celle des canidés). La relation entre un élément indexé et la ou les classes (de la plus particulière à la plus générale) où il se trouve indexé est de l’ordre de l’appartenance ou de l’indexation (par exemple, entre tel chien et la classe des canidés).

2.1.3 COMPOSANTES D'UN CLASSEMENT

Plus précisément, voici les composantes d'un classement :

1. Une classe est un groupement raisonné d’unités prenant valeur d’éléments. En mode de représentation textuelle (nous verrons le mode graphique plus loin), on peut noter les classes ainsi: //classe//. Le mot « raisonné » permet de distinguer la classe de n’importe quel groupement d’unités.

2. La définition de la classe stipule (1) le ou les traits que les éléments doivent posséder pour faire partie de la classe ; (2) le statut que doivent prendre ces traits et (3) les règles d’évaluation de la détermination de l’appartenance. La définition est ce qu’on appelle traditionnellement la compréhension ou l’intension (avec un « s ») de la classe. Les traits connaissent trois statuts : obligatoires, obligatoires alternatifs (tel trait OU alors tel autre), facultatifs (mais prévisibles : il n’y a aucun intérêt à noter dans la définition des traits peu ou pas prévisibles). En mode de représentation textuelle, on peut noter ainsi les traits: /trait/. Les règles d’évaluation de l’appartenance peuvent être simples (par exemple, la classe est définie par un seul trait obligatoire) ou complexes (par exemple, pour diagnostiquer la dépression, il faut trouver au moins deux symptômes sur six).

3. L’élément est une unité appartenant à une classe. En mode de représentation textuelle, on peut noter les éléments ainsi: ‘élément’. Ensemble, les éléments d’une classe forment ce qu’on appelle traditionnellement l’extension ou l’énumération de la classe. Les traits de l’élément inclus doivent correspondre aux traits obligatoires de la classe. L’élément peut par ailleurs posséder ou non un ou plusieurs traits non obligatoires. Comme un élément possède, sauf exception, plusieurs traits, il peut appartenir à plusieurs classes, définies par un seul ou plusieurs traits. Un trait peut correspondre au nom de la classe (par exemple, le trait /fruit/ dans ‘pomme’ dans la classe //fruit//).

2.2 APPROFONDISSEMENT

2.2.1 DISTINCTION ENTRE CLASSE ET TYPE

Quelle est exactement la différence entre un type (par exemple, le genre poème) et une classe (par exemple, celle les poèmes)? À proprement parler, un type n'est pas une classe, parce qu'il ne contient, ne regroupe pas les unités-occurrences (les poèmes) qui en dépendent, mais les génère. La distinction entre un type et la définition, l'intension d'une classe peut sembler vague, mais il s'agit bel et bien de deux choses distinctes. Type et définition sont nécessairement des entités abstraites ; occurrence et élément peuvent être aussi bien concrets (ce poème, représentant du genre poème; cette bille, membre de la classe des billes dans ce sac) qu'abstraits (l'humiliation, membre de la classe des émotions négatives; cet amour, qui est une manifestation de l'amour). La différence est donc ailleurs. Le type est un « individu » abstrait résultat d'une induction produite à partir de ce qui deviendra ses occurrences et par rapport auxquelles il prend par la suite une valeur d'entité générative (par opposition à génétique)1. La définition d'une classe n'est pas une entité individu mais un inventaire d'une ou de plusieurs propriétés, inventaire éventuellement assorti de règles d'évaluation de l'appartenance de l'élément. Ce qui n'empêche pas que l'on puisse éventuellement associer un type à une classe.

Par ailleurs, un élément peut correspondre à une occurrence – tel loup dans la classe des loups de tel zoo – ou à un type – le loup dans la classe des canidés (avec le chien, etc.).

2.2.2 REPRESENTATION DES CLASSEMENTS

Un classement, du moins s’il est simple, peut être représenté visuellement en mode textuel et linéaire, par exemple : loup < canidés < mammifères, où le premier terme est l’élément (élément < classe incluse < classe inclusive) ; animal > loup-garou < humain, où l’élément est le terme encadré (classe 1 > élément < classe 2)

Un classement, lorsqu’il atteint un certain degré de complexité, est généralement représenté par une schématisation proprement visuelle, par exemple des graphes ensemblistes ou un arbre, une arborescence. Un organigramme est une arborescence, mais il ne correspond pas entièrement à un classement (par exemple, la classe //directeur général//, qui compte l’élément ‘Paul Dupont’ n’englobe pas la classe //directeur du marketing//, qui compte l’élément ‘Pierre Durand’). Dans l’arborescence verticale, les unités plus particulières sont placées en dessous des unités plus générales : une classe englobée figure en dessous de la classe qui l’englobe, un élément figure en dessous de la classe de la plus faible généralité à laquelle il appartient (il peut également être placé à l’intérieur de la forme géométrique représentant cette classe, par exemple, un rectangle). Mutatis mutandis pour l’arborescence horizontale. Voici un exemple d’arborescence verticale. Les classes ici sont des classes ontologiques naïves (les classes d’êtres) et les éléments sont placés entre parenthèses dans les rectangles représentant les classes.

Les classes ontologiques naïves
Les classes ontologiques

Pour représenter synthétiquement les réseaux conceptuels faits de classes/éléments (ou types/occurrences) et de touts/parties, on peut utiliser la convention suivante : flèche à orientation horizontale: opération de classement (relation entre classe et élément); flèche à orientation verticale: opération de décomposition (relation entre tout et partie). Voici un exemple de réseau conceptuel simple.

Exemple de réseau conceptuel simple
Exemple de réseau conceptuel simple

Il faut être en mesure, pour exploiter la représentation la plus efficace, de passer d’une représentation en tableau à une représentation en schéma ou l’inverse. Le tableau peut être utile pour les structures complexes, notamment celles qui contiennent des polyclassements horizontaux nombreux. Nous donnerons ici l’exemple d’une même structure très simple représentée et en tableau et en schéma.

Un classement simple représenté en tableau
Un classement simple représenté en tableau

Différentes relations s’établissent entre les unités du tableau. « Pomme » est un tout dont les parties sont les sèmes (les traits de sens) « comestible » et « végétal »; le même principe vaut pour « poisson » et ses sèmes. Chaque sème est également le trait définitoire d’une classe qui porte son nom; cette classe indexe comme éléments les unités qui possèdent le trait : par exemple, le trait /comestible/ définit la classe //comestible// qui indexe les éléments ‘pomme’ et ‘poisson’. Le tableau montre bien deux perspectives de l’analyse : la perspective méréologique descendante : on prend un tout (ici un signifié) et l’on définit les parties (ici des sèmes) qui le constituent (en parcourant une ligne du tableau); la perspective ensembliste descendante : on prend une classe (ici définie par un sème) et l’on détermine les éléments (ici des signifiés) qui en font partie (en parcourant une colonne du tableau).

Voici la même structure en représentation graphique (l’opposition boîte ordinaire / boîte grisée permet de distinguer, respectivement, une classe d’un élément indexé). Il est à noter que le statut plus général / plus particularié est susceptible de varier pour les mêmes classes. Par exemple ici, on pourrait fort bien inverser la structure et placer //végétal// et //animal// comme classes englobantes et //non comestible// et //comestible// comme classes englobées (il y aurait alors sous chaque classe englobante une classe //non comestible// et une classe //comestible//).

Un classement simple représenté en schéma
Un classement simple représenté en schéma

2.2.3 CLASSES À TRAIT POSITIF / NÉGATIF, CLASSES MONOCRITÉRIÉE / POLYCRITÉRIÉE

Lorsqu’un trait définitoire de la classe doit être présent, on peut parler de trait positif (par exemple, les vertébrés doivent posséder une colonne vertébrale); dans le cas contraire, on parlera de trait négatif (les invertébrés). Si le classement repose sur une opposition dyadique et catégorielle (par exemple, vertébré / invertébré ou vrai / faux), le trait positif (vertébré, vrai) est identique à la négation du trait négatif (non-invertébré, non-faux; contre-exemple, le trait non-noir n’indexe pas que les éléments blancs, mais aussi les rouges, bleus, etc.).

Une classe monocritériée (ou classe simple) est une classe définie par un seul trait (par exemple, le genre textuel des formes brèves, au sens le plus large du terme; la classe des carnivores). Dans le cas contraire, on parlera de classe polycrétériée (ou classe complexe). Une classe monocritériée peut cependant présupposer des traits provenant de classes englobantes mono ou polycritériées (par exemple, les formes brèves sont des formes littéraires, elles-mêmes des formes textuelles, elles même des productions artistiques, etc.). Dans une classe polycritériée : tous les traits sont obligatoires; ou tous les traits sont alternatifs, avec éventuellement un nombre minimal à atteindre (nous reprenons l’exemple de la dépression); ou certains traits sont obligatoires et d’autres alternatifs entre eux (en ce cas, tous les traits n’ont pas la même pondération, un trait obligatoire comptant plus qu’un trait alternatif).

2.2.4 DEGRE DE PARTICULARITE

En principe, on ne peut être plus précis que la production sémiotique analysée et dépasser le « grain », le pixel de cette production. Le classement s’arrêtera là où s’arrête la production (mais il est possible d’indiquer les classes potentielles laissées vides). Ainsi un texte particularisera ou non la classe des chiens en fonction des races (par exemple, caniche, berger allemand, etc.). Cependant, l’analyste, par réduction méthodologique (c’est-à-dire consciente, explicitée et pertinente), peut choisir ne pas aller aussi loin que la production sémiotique (par exemple, en s’arrêtant à la classe des chiens même si le texte distingue entre caniche et saint-bernard). Bref, une classe n’est pas nécessairement la plus particulière en soi, elle le sera pour la production sémiotique analysée ou, par réduction méthodologique, pour telle analyse qui est faite de cette production.

Une production sémiotique peut créer des classes plus fines que celles généralement admises (par exemple, la classe des valses hongroises méridionales du XIXe siècle !). Une production sémiotique peut créer des classes de même généralité que la ou les classes généralement admises (Jacques Brel, dans une chanson, ajoute à la valse (à trois temps, par définition), la valse à quatre temps, la valse à mille temps, etc.).

2.2.5 CLASSES DISTINCTES ET ELEMENTS DISTINCTS

Il faut distinguer l’entité élément ou classe et le ou les noms qui lui sont donnés. Il faut distinguer, puisqu’elles peuvent ne pas correspondre, deux formes de dénomination : la dénomination analytique, soit le nom donné à un élément ou à une classe par l’analyste (lequel peut évidemment simplement reprendre les dénominations courantes pour ces entités) ; et la dénomination de facto, soit le nom donné à un élément ou à une classe dans l’objet analysé. Ce serait une erreur de prendre pour des éléments ou des classes différentes, un même élément ou une même classe simplement désignés par des noms différents. Cela étant, par réduction méthodologique, on peut fondre au besoin des éléments ou des classes.

Prenons un exemple pour illustrer ces problèmes. Dans un texte, « ordure » et « déchet » : (1) peuvent être des dénominations synonymes renvoyant à un même élément dont on parle plusieurs fois : il y a une même entité rebus appelée tantôt « ordure » tantôt « déchet » ; (2) peuvent être des dénominations synonymes employées pour désigner chacune un élément différent mais relevant de la même classe : il y a deux entités rebus, la première appelée « ordure » et la seconde « déchet » ; (3) peuvent designer chacun un élément différent relevant chacun d’une classe différente : dans ce texte, on distingue l’ordure du déchet (quitte à les englober par ailleurs tous deux dans une classe inclusive).

2.2.6 CLASSEMENTS EXHAUSTIF / NON EXHAUSTIF, DÉCIDABLE / INDÉCIDABLE

Un classement exhaustif épuise la totalité des éléments de l'ensemble à décrire; ainsi on exploitera les classes //billes blanches// et //billes noires// pour un sac dont toutes les billes sont noires ou blanches. Un classement non exhaustif n'épuise pas la totalité des éléments de l'ensemble à décrire; ainsi on exploitera les classes //billes blanches// et //billes noires// pour un sac qui en contient aussi des rouges. Dans ce dernier cas, on trouve alors, fût-ce implicitement, une classe résiduelle (//autres éléments//) où s'indexent les éléments qui ne correspondent à aucune des classes retenues2. Les classements peuvent connaître différents degrés de précision, selon le nombre de classes potentielles qu'on laisse dans la classe résiduelle. Par exemple, le classement: //humain//, //animal//, //végétal//, //minéral//, //autres// est plus précis que le classement : //humain//, //animal//, //autres//.

REMARQUE : PRÉCISIONS SUR LA CLASSE RÉSIDUELLE

La classe résiduelle peut ne pas être explicitée, cela ne signifie pas que la structure de classement n’en prévoit pas l’existence; cela peut n’être qu’une stratégie d’économie analytique. Par exemple, il ne sera fait mention que des classes //billes rouges// et //billes noires// et pas de la classe //autres billes//. Par ailleurs, les classes résiduelles peuvent se trouver à différents niveaux dans un même classement. Ainsi, pour poursuivre notre exemple, s’il se trouve que les billes, peu importe leur couleur, peuvent connaître quatre diamètres mais qu’on n’en retient que deux, on aura alors deux classes résiduelles : une pour la couleur et une pour le diamètre. On aura donc une classe //billes de diamètre x// englobant //billes rouges//, //billes noires//, //billes d’une autre couleur//; une classe // billes de diamètre y// englobant ces trois mêmes sous-classes; une classe //billes d’autres diamètres// englobant ces trois mêmes sous-classes.

Toute propriété est soit décidable, soit indécidable, l'appartenance à une classe n'y fait pas exception. Si le sujet observateur n'est pas en mesure de stipuler dans laquelle des classes proposées il doit classer tel élément, on parlera d'indécidable. Si l'on peut classer l'élément dans la classe résiduelle, il ne s'agit pas d'indécidable.

2.2.7 MONOCLASSEMENT / POLYCLASSEMENT

Un même élément peut appartenir à plus d’une série de classes. On peut distinguer entre un polyclassement « vertical », qui implique une ou plusieurs classes englobantes (loup < canidés (sous-classe) < mammifère (classe)), et un polyclassement « horizontal », opéré au même niveau de généralité (humain > loup-garou < canidés). L’objet à analyser et/ou le type de classement employé par la production et/ou l’analyse de cette production peut n’autoriser, pour une même unité, que des classements uniques ou admettre des classements multiples C’est ainsi que les typologies scientifiques (par exemple, les classements d’animaux) réalisent ou tendent à réaliser des classements uniques (par exemple, un animal est invertébré ou vertébré, il ne peut être les deux en même temps).

2.2.8 CLASSEMENTS CATEGORIEL / GRADUEL

Dans un classement graduel, l’appartenance à une classe est susceptible de quantification, par un nombre (par exemple un pourcentage, un coefficient) ou une marque d’intensité (« peu », « moyen », etc.). Une classe graduelle entretient une corrélation inverse avec une autre classe graduelle (fût-ce avec la classe résiduelle); ainsi, si l’on est moins humain, on est nécessairement plus quelque chose d’autre, par exemple animal; en conséquence, nous dirons que les classes graduelles appellent des polyclassements horizontaux. Dans un classement catégoriel, une unité appartient ou n’appartient pas à une classe, sans quantification possible; par exemple, un texte pourra considérer qu’on est humain ou qu’on ne l’est pas et ce, sans moyen terme, qu’une bille est rouge ou ne l’est pas et ce, sans moyen terme.

2.2.9 CLASSEMENTS MONADIQUE / POLYADIQUE

Un classement peut encore être caractérisé en fonction du nombre de classes qu'il implique et être monadique (une seule classe) ou diversement polyadique (dyadique : deux classes, triadique : trois classes, etc.). On intégrera la classe résiduelle dans le décompte seulement si elle fait partie des possibilités acceptées; par exemple, pour un sac ne contenant que des billes noires et des billes blanches, le classement sera dyadique, puisque les classes pertinentes sont //noires// et //blanche// (//autre couleur// n'est pas pertinente).

2.2.10 CLASSEMENTS ISOMORPHE / ALLOMORPHE

Un classement peut être isomorphe (structuré de manière identique partout) ou allomorphe (structuré de manière différente d’un secteur à l’autre) et ce, relativement à différents aspects que nous avons mentionnés. Par exemple, le nombre de traits définitoires des classes sera le même pour chaque classe ou variera d’une classe à l’autre; les polyclassements seront possibles partout ou en certains endroits seulement; tel classement sera intégralement dyadique et donc toute classe, sauf si elle est terminale, se décomposera en deux sous-classes, tel autre classement comptera des parties dyadiques et d’autres triadiques; tel classement se voudra intégralement catégoriel, tel autre comptera des classes des deux types, catégorielles et graduelles; etc.

2.2.11 TEMPS ET SUJET OBSERVATEUR

Comme pour n’importe quelle analyse, il faut tenir compte dans l’analyse par classement des variables relatives, notamment le temps et le sujet observateur (pour des détails, voir le chapitre sur les relations structurelles). Pour ce qui est du temps, il s’agit de voir si le classement – dans l’indexation des éléments, les caractéristiques des classes (traits définitoires, nature graduelle ou non, etc.), la structure de l’arborescence, etc. - varie en fonction des variations du temps. Par exemple, l’histoire de la physique est ponctuée par la découverte de nouvelles particules venant modifier le classement particulaire. Ainsi l’atome a fait partie de la classe des éléments indécomposables, jusqu’à ce qu’on découvre qu’on pouvait le décomposer en électrons, protons, neutrons.

Pour ce qui est du sujet observateur, il s’agit de voir si le classement varie en fonction de l’instance prise en considération. Dans un texte littéraire, les observateurs peuvent être notamment les suivants : auteur réel ou empirique, auteur inféré (l’image que le texte donne de son auteur), narrateur, narrataire, personnage, lecteur inféré (l’image que le texte donne des lecteurs attendus et non attendus), lecteur réel ou empirique. Par exemple, au sein d’un même texte, le classement explicite ou implicite opérée par tel personnage (sujet observateur assomptif) sera conforme ou non à celui de tel autre personnage (sujet observateur assomptif lui aussi) et à ceux que le texte, classiquement par la voix du narrateur omniscient, considère en définitive comme valables (sujet observateur de référence). Cette dynamique des points de vue peut opérer d’une production sémiotique à une autre; par exemple dans tel texte le sujet observateur de référence considère la tomate comme un fruit et dans tel autre le sujet observateur de référence la considère comme un légume. Pour des détails sur la dynamique des sujets observateurs, voir le chapitre sur la dialogique.

Enfin, on pourra vérifier si le sujet observateur et le classement sont de nature systémique. Par exemple, un sujet observateur et un classement qui clament que la tomate est un fruit reflètent un sujet observateur et un classement stéréotypés sociolectalement par les discours scientifiques; un sujet observateur et un classement qui voient la tomate comme un légume (on l’utilise dans les salades de légumes plutôt que dans les salades de fruits) reflètent un sujet observateur et un classement stéréotypés sociolectalement par les discours « naïfs », non scientifiques. Un sujet observateur et un classement qui considèrent la tomate comme un animal dans deux textes d’un même auteur reflètent un sujet observateur et un classement idiolectaux, propres à un individu. Pour des détails sur les différents niveaux systémiques (dialecte, sociolecte, idiolecte, textolecte et analecte), voir le chapitre sur les relations structurelles.

3. APPLICATION : « QUELLE AFFAIRE ! » DE GILLES VIGNEAULT

« Quelle affaire ! »
Gilles Vigneault (1998 : 147-148)

01 Le lançon l'a dit aux truites
02 La truite parle au saumon
03 Le saumon l'a dit au thon
03 C'est ainsi qu'ainsi de suite
05 De source en lac et ruisseaux
06 Tout arrive à la rivière
07 Tout passe de sable en pierre
08 Chez tout le peuple des eaux
09 Du fleuve jusqu'à la mer
10 La barbotte et la barbue
11 Étaient à peine au courant
12 Que la sole et le hareng
13 En parlaient à la morue
14 Le capelan, l'éperlan
15 Le turbot, le bar, l'anguille
16 Ont prévenu leur famille
17 « Il faut s'enfuir des grands bancs ! »
 
18 Une dame de sottise
19 Amoureuse des blanchons
20 A promené ses manchons3
21 Sur le dos de la banquise...
22 Et notre ennemi commun
23 Le phoque de toute espèce
24 Qui nous tue et nous dépèce
25 En décembre comme en juin
26 Le phoque se multiplie
27 Et ne craint plus le chasseur
28 Plions bagage en douceur
29 Disait la sole à la plie...
 
30 C'est ainsi qu'on ne peut plus
31 Rien pêcher dans le grand fleuve4
32 De Natashquan5 à Terr'-Neuve6
33 Le poisson a disparu
34 Le phoque qui prolifère
35 Un jour crèvera de faim
36 À la suite des humains
37 Quelle affaire ! Quelle affaire !

Ce texte de Gilles Vigneault, célèbre auteur-compositeur-interprète et poète québécois, évoque une affaire médiatico-politique. Dans les années quatre-vingt, l’ex-comédienne Brigitte Bardot, militant contre l’exploitation des animaux, notamment pour leur fourrure, a dénoncé la chasse au blanchon (petit du phoque) pratiquée au Canada, si bien que le nombre de blanchons abattus a fortement diminué. La population des phoques a donc crû, et cette hausse pourrait être la cause principale – c’est la thèse que défend le texte – ou partielle de la diminution radicale des stocks de poissons dont ils se nourrissent (et les humains aussi!). La star avait notamment cheminé en personne sur la banquise, sous l’œil des caméras. Remarquons la proximité sonore entre « Bardot » (mot absent du texte), « barbotte », « barbue », « bar ». Le texte joue sur une imbrication de stéréotypes : une étrangère, citadine, belle mais stupide, mièvre (« amoureuse des blanchons » (v. 19)), vient semer le chaos dans un monde auquel elle ne comprend rien, perturber profondément l’ordre naturel qu’elle voulait protéger, et qui d’ailleurs est indistinctement cruel : les gentils phoques chassés pour leur fourrure n’en dépècent pas moins à leur tour les poissons (v. 23-24), mais qui s’émeut du sort de leurs victimes?

Classement thématisé dans « Quelle affaire! »7

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Classement thématisé dans « Quelle affaire! »

Quelques commentaires.

Dans le schéma, l’opposition boîte ordinaire / boîte grisée permet de distinguer, respectivement, une classe d’un élément indexé. Les désignations des éléments indexés dans les classes reprennent, s’il y a plusieurs dénominations, la dénomination principale. Ainsi, l’élément ‘phoque’ se trouve désigné dans les diverses occurrences de « phoque », mais également dans « notre ennemi commun », dénomination que nous n’intégrons pas au schéma.

Dans l’opposition anthropologique nature/culture, culture fait référence à tout ce qui est produit par l’homme.

Il est préférable, lorsque possible, de nommer de manière identique ou comparable les classes similaires, ce qui augmente le nombre de relations analytiques. Par exemple, les classes //anti-prédateur//, //prédateur//, //proie// « se parlent » d’une section de l’arbre (culture) à l’autre (nature). Cela permet de comparer la prédation humaine avec celle des phoques. Cette récursivité des prédations (l’homme chasse le phoque qui chasse le poisson) est à mettre en parallèle avec la récursivité de la transmission de l’information (un poisson A le dit à B qui le dit à C, « et ainsi de suite »).

La structure classificatoire dégagée ici ne prétend pas à l’exhaustivité ni à l’exclusivité. Ainsi, on pourrait, par exemple, distribuer les éléments en tenant compte du fait que le texte est traversé de l’opposition petit / grand, susceptible de particularisations diverses. Elle oppose aussi bien les grandes étendues d’eau aux petites, les gros poissons aux petits, le phoque au blanchon, que les collectivités aux individus (les collectivités humaines et animales et la dame; les poissons grégaires/solitaires) voire, malgré l’inversion dans la séquence érosive, la pierre au sable qu’elle devient (v. 7).

La présence du thème (de l’isotopie) du minéral dans « sable » et « pierre » incite à décomposer l’expression « Terr’neuve » pour y lire, par réécriture, « terre », en sus de l’île (Terre-Neuve) qu’elle désigne. Il est possible d’y lire également « Terre » (la planète) en prenant en considération le propos globalisant sous-tendu par « les humains » (v. 36), auquel répond « le peuple des eaux » (v. 8). Natashquan, village côtier isolé de la basse Côte-Nord, région du Québec, est le lieu de naissance de Gilles Vigneault, et souvent le lieu explicite ou implicite de l’action de ses textes. Ce village, comme Terre-Neuve, se trouve à être un terme médiateur (un terme complexe) entre terre ferme et mer. Faut-il également dans « sole » lire «sol», au sens de terre, d’autant plus que la plie, jeu de mots qui autorise d’en voir d’autres, s’écrit : « plions bagage » (v. 28-29)? L’opposition terre ferme/mer se trouve mise en relief par la marche de la dame sur la banquise (v. 20-21), qui constitue un terme médiateur de l’opposition. Notons également le rôle d’intermédiaire que joue le phoque, animal amphibie, entre les poissons et les humains. Plusieurs autres jeux de mots sont attestables ou plausibles : celui qui indexe l’expression « être au courant » dans le thème de l’eau (courant d’eau) (v. 11); celui qui indexe « quelle affaire » (v. 37) et l’humain qui « crèvera de faim » (v. 35) dans le thème économique (les conséquences économiques de la campagne de Bardot furent grandes).

Tous les poissons énumérés ici vivent exclusivement en eau salée, sauf la truite, le saumon, l’anguille et la barbue (des rivières). « Truite » peut être considéré soit en tant que générique (qui englobe la truite arc-en-ciel, la truite brune, etc.; certaines de ces espèces sont anadromes, c’est-à-dire passent la vie d’adulte en mer mais remontent les cours d'eau douce pour se reproduire), soit comme appellation courante pour l’omble des fontaines (poisson exclusivement d’eau douce). Nous optons pour la seconde interprétation. La « truite de mer », qui figure au Petit Robert, n’apparaît pas dans la Liste de la faune vertébrée du Québec (Desrosiers, Caron et Ouellet, 1995). La barbue (tout court), dit Le petit Robert, vit en eau salée, mais seule la barbue des rivières figure dans notre document de référence. Nous choisirons la seconde barbue. Il serait tentant, puisque les étendues d’eau énumérées vont croissant d’étendue de la source (eau douce) à la mer (eau salée), de sérier sur le même mode la suite de poissons dans les vers 1 à 3. Mais le lançon est un être exclusivement marin, du moins dans le document consulté.

4. OUVRAGES CITÉS

VIGNEAULT, G. (1998), « Quelle affaire! », L’armoire des jours, Montréal, Nouvelles Éditions de l’Arc, p. 147-148.
DESROSIERS, A., F. CARON et R. OUELLET (1995), Liste de la faune vertébrée du Québec, Sainte-Foy (Québec), ministère de l’Environnement et de la Faune.

5. EXERCICE

Dégagez un classement dans les deux premiers chapitres de la Genèse.

1.1 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
1.2 La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
1.3 Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.
1.4 Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres.
1.5 Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour.
1.6 Dieu dit: Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux.
1.7 Et Dieu fit l'étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux qui sont au-dessus de l'étendue. Et cela fut ainsi.
1.8 Dieu appela l'étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le second jour.
1.9 Dieu dit: Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi.
1.10 Dieu appela le sec terre, et il appela l'amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon.
1.11 Puis Dieu dit: Que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi.
1.12 La terre produisit de la verdure, de l'herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
1.13 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le troisième jour.
1.14 Dieu dit: Qu'il y ait des luminaires dans l'étendue du ciel, pour séparer le jour d'avec la nuit; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années;
1.15 et qu'ils servent de luminaires dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi.
1.16 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit; il fit aussi les étoiles.
1.17 Dieu les plaça dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre,
1.18 pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres. Dieu vit que cela était bon.
1.19 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le quatrième jour.
1.20 Dieu dit: Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l'étendue du ciel.
1.21 Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux produisirent en abondance selon leur espèce; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon.
1.22 Dieu les bénit, en disant: Soyez féconds, multipliez, et remplissez les eaux des mers; et que les oiseaux multiplient sur la terre.
1.23 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le cinquième jour.
1.24 Dieu dit: Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi.
1.25 Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
1.26 Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
1.27 Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.
1.28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.
1.29 Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture.
1.30 Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi.
1.31 Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le sixième jour.
2.1 Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée.
2.2 Dieu acheva au septième jour son oevre, qu'il avait faite: et il se reposa au septième jour de toute son oevre, qu'il avait faite.
2.3 Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu'en ce jour il se reposa de toute son oevre qu'il avait créée en la faisant.
2.4 Voici les origines des cieux et de la terre, quand ils furent créés.
2.5 Lorsque l'Éternel Dieu fit une terre et des cieux, aucun arbuste des champs n'était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore: car l'Éternel Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol.
2.6 Mais une vapeur s'éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.
2.7 L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.
2.8 Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.
2.9 L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
2.10 Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
2.11 Le nom du premier est Pischon; c'est celui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l'or.
2.12 L'or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
2.13 Le nom du second fleuve est Guihon; c'est celui qui entoure tout le pays de Cusch.
2.14 Le nom du troisième est Hiddékel; c'est celui qui coule à l'orient de l'Assyrie. Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.
2.15 L'Éternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder.
2.16 L'Éternel Dieu donna cet ordre à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin;
2.17 mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.
2.18 L'Éternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui.
2.19 L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme.
2.20 Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.
2.21 Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place.
2.22 L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
2.23 Et l'homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
2.24 C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
2.25 L'homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte.

1 Donnons un exemple simple des perspectives générative et génétique : si l’on dégage la vision du monde qui préside à la production d’une œuvre littéraire, on dégage une forme abstraite hypothétique ayant généré l’œuvre; si l’on étudie les brouillons, les avant-textes de cette œuvre, on se place dans une perspective génétique.

2 Même lorsqu’on croit que le classement est exhaustif et qu’il épuise donc les unités à décrire, il peut être judicieux de prévoir une classe résiduelle « de prudence », au cas où des unités auraient été négligées par inadvertance. Le terme neutre d’un carré sémiotique pourrait sembler une classe résiduelle pour un classement à la fois dyadique et oppositif, mais il faut s’assurer que les potentiels éléments résiduels correspondent bien à la négation des deux oppositions fondatrices du carré. Par exemple, pour le carré richesse / pauvreté, « tomate » ne loge pas sous le terme neutre (il s’agit simplement d’une unité hors de ce carré), mais « classe moyenne », si. Pour des détails, voir le chapitre sur le carré sémiotique.

a href="#note3" title="Retour au texte">3 Un manchon est un fourreau, souvent en fourrure (Le Petit Robert note l’expression manchon en fourrure…) où l’on met les mains pour les protéger du froid.

4 Ce « grand fleuve » est évidemment le Saint-Laurent, dont l’eau est salée en aval de Québec, donc notamment de Natashquan en allant vers Terre-Neuve.

5 Natashquan : ville de la rive nord du Saint-Laurent où est né l’auteur.

6 Terr’-Neuve : Terre-Neuve, île et province canadienne à l’est du Québec.

7 Nous développons un classement produit à l’origine par deux étudiantes, Ariane Voyer et Marie Amiot.


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