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La sémantique interprétative

Par Louis Hébert

Université du Québec à Rimouski

louis_hebert@uqar.ca

1. Résumé

Rastier

François Rastier

Sont exposées ici les principales notions de la sémantique interprétative fondée par François Rastier : morphème/lexie, sémème/sémie, sème actualisé/virtualisé, sème inhérent/afférent, sème spécifique/micro-, méso-, macrogénérique, isotopie spécifique/générique, molécule sémique, topos, connexion métaphorique/symbolique, réécriture, paliers d’analyse micro-/méso-/macrosémantique, graphe sémantique, dialogique, etc.

Ce texte se trouve en version longue dans le livre suivant :
Louis Hébert, Dispositifs pour l'analyse des textes et des images, Limoges, Presses de l'Université de Limoges, 2007.

Ce texte peut être reproduit à des fins non commerciales, en autant que la référence complète est donnée :
Louis Hébert (2006), « La sémantique interprétative », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/rastier/semantique-interpretative.asp.

2. THÉORIE

2.1 ORIGINES

La sémantique interprétative fondée par F. Rastier (Rastier, 1989, 1991, 1994, 1996 [1987] et 2001; Hébert, 2001), élève de Greimas et de Pottier, est une synthèse «de seconde génération» de la sémantique structurale européenne, développée à la suite des travaux de Bréal et de Saussure, puis de Hjelmslev, de Greimas, de Coseriu et de Pottier.

2.2 COMPOSANTES SÉMANTIQUES

Selon la sémantique interprétative, quatre composantes structurent le plan sémantique des textes (le plan du contenu, des signifiés, par opposition à celui de l'expression, des signifiants): la thématique (les contenus investis), la dialectique (les états et processus et les acteurs qu'ils impliquent), la dialogique (les évaluations modales, par exemple véridictoires : le vrai/faux, thymiques : le positif/négatif) et la tactique (les positions linéaires des contenus).

2.3 PALIERS SÉMANTIQUES

La microsémantique est rattachée aux paliers inférieurs du texte (du morphème à la lexie), la mésosémantique, aux paliers intermédiaires (du syntagme fonctionnel à la période, ce dernier palier pouvant dépasser une phrase) et la macrosémantique, aux paliers supérieurs du texte (au-delà de la période et jusqu'au texte). En simplifiant, nous dirons que ces trois groupes de paliers correspondent, respectivement, au mot, à la phrase et au texte.

2.4 SIGNES CONVENTIONNELS

Les signes conventionnels qu'emploie la sémantique interprétative permettent, notamment, de distinguer «signe», signifiant, 'signifié', /sème/ ou /isotopie/, //classe sémantique//, —Fleche droite |réécriture|.

2.5 TYPE/OCCURRENCE, MORPHÈME/LEXIE, SÉMÈME/SÉMIE

Les unités sémantiques connaissent deux statuts. Le type est une unité manifestée plus ou moins intégralement à travers ses occurrences; ainsi le contenu en langue du morphème « eau » ou « aim- » (dans « aimer ») est un type susceptible de varier en fonction de ses occurrences dans diverses locutions ou phrases. Le signe linguistique minimal s'appelle un morphème. Une lexie est une unité fonctionnelle regroupant plusieurs morphèmes; parfois une lexie ne correspond qu’à une seule position linéaire morphémique, par exemple « eau », la définition demeure vraie puisque des morphèmes dit zéro s’y « superposent ». Elle correspond à un mot ou plus d'un mot (« eau », « pomm-e d-e terr-e », « march-er »). Le mot est une unité surtout définissable relativement aux signifiants graphiques : elle est précédée et suivie d’un espace; pour cette raison, on lui préfère la lexie. Le sémème est le signifié d'un morphème et la sémie, le signifié d’une lexie.

REMARQUE : SÉMÈME ET MOT

Pour simplifier la représentation de l'analyse des sémèmes, un sémème est généralement désigné par le mot dans lequel il figure (par exemple 'couteau' et 'fourchette' désignent les sémèmes 'cout-' (cf. «couteler») et 'fourch-' (cf. «fourche»)). Le générique signifié englobe sémème (signifié d’un morphème) et sémie (signifié d’une lexie) mais également d’autres groupements sémiques intervenant au même palier que le morphème et la lexie ou à des paliers supérieurs : syntagme, période (grosso modo : groupe de phrases), section (par exemple, chapitre), texte. Par exemple, on compte des molécules sémiques pour tous les paliers analytiques.

2.6 SÈMES ET CLASSES SÉMANTIQUES

Le signifié des unités sémantiques se décompose en sèmes, ou traits de contenu. Un sème générique note l'appartenance du sémème à une classe sémantique (un paradigme sémantique, constitué de sémèmes). Un sème spécifique distingue un sémème de tous les autres de la même classe. Les sèmes spécifiques d'un sémème forment son sémantème ; ses sèmes génériques, son classème. Il existe trois sortes de sèmes génériques: microgénérique, mésogénérique et macrogénérique. Ils correspondent à trois sortes de classes sémantiques : respectivement, les taxèmes (classes minimales d'interdéfinition), les domaines (liés à l'entour socialisé, ils correspondent aux sphères de l’activité humaine; les indicateurs lexicographiques en donnent une bonne idée, par exemple : chim., phys.) et les dimensions (classes de généralité supérieure regroupées par oppositions, par exemple, //animé// vs //inanimé//, //concret// vs //abstrait//, //humain// vs //animal//, //animal// vs //végétal//, etc.).

Par exemple, le taxème des //couverts// (ustensiles) comporte trois sémèmes. Chacun contient le sème microgénérique /couvert/ et se distingue des autres sémèmes du même taxème par un sème spécifique : /pour piquer/ dans 'fourchette', /pour couper/ dans 'couteau' et /pour contenir/ dans 'cuillère'. Comme ce taxème est englobé dans le domaine //alimentation//, les trois sémèmes contiennent aussi le sème mésogénérique /alimentation/. Enfin, les trois sémèmes participent également de dimensions communes définissant des sèmes macrogénériques, comme /inanimé/ (« inanimé » est employé, non pas pour désigner ce qui ne bouge pas ou est mort, mais ce qui ne peut être doté de vie, par exemple une pierre, la liberté).

2.7 SÈMES INHÉRENT/AFFÉRENT, ACTUALISÉ/VIRTUALISÉ

Les sèmes appartenant au sémème-type en langue sont appelés sèmes inhérents et sont actualisés en contexte, sauf instruction de virtualisation (neutralisation). Les sèmes afférents sont des sèmes présents uniquement dans le sémème-occurrence, c'est-à-dire uniquement en contexte.

2.8 CONNEXIONS MÉTAPHORIQUE/SYMBOLIQUE

Deux types de connexions sont possibles entre sémèmes (ou groupes de sémèmes). La connexion métaphorique relie deux sémèmes présents dans la suite linguistique (dans une comparaison, par exemple). La connexion symbolique (par exemple, dans une métaphore in absentia, c’est-à-dire dont le terme comparé est absent) relie deux sémèmes dont l'un seulement appartient à la suite, l'autre appartenant à sa lecture: dans l’énoncé politique « L'Aigle a terrassé l'Ours », |'États-Unis'| et |'URSS'| sont des réécritures et appartiennent uniquement à la lecture. Dans une connexion, les deux sémèmes connectés possèdent au moins un sème (générique) incompatible et au moins un sème (spécifique) identique. Ainsi dans « Cette femme est une fleur », la connexion métaphorique implique les sèmes incompatibles /humain/ et /végétal/ tandis qu'un sème comme /beauté/ se trouve dans les deux sémèmes.

2.9 ISOTOPIE

L'itération en contexte d'un même sème — peu importe qu'il soit inhérent ou afférent — fonde une isotopie (voir le chapitre sur l’analyse isotopique). Les isotopies se distinguent non seulement par le nom du sème qui les fonde (par exemple, /inanimé/, /religion/) mais aussi par le type spécifique / micro-, méso-, macrogénérique du sème en cause. Ainsi, la phrase «Je me sers d'un couteau uniquement pour cueillir les petits pois» contient notamment l'isotopie (mésogénérique) /alimentation/ qui indexe les sémèmes 'couteau' et 'pois'. Par ailleurs, elle virtualise le sème inhérent spécifique /pour couper/ dans 'couteau' et y actualise le sème afférent /pour prendre/. L'allotopie est la relation d'opposition induite entre deux sémèmes (ou groupes de sémèmes, comme une lexie par exemple) comportant des sèmes incompatibles (par exemple, dans ‘neige noire’).

2.10 SENS/SIGNIFICATION ET LECTURE

L'ensemble des sèmes actualisés en contexte, qu'ils soient inhérents ou afférents, définit le sens de cette unité. La signification est l'ensemble des sèmes (inhérents) d'une unité définie hors contexte et hors situation. L'interprétation est une opération stipulant le sens d'une suite linguistique. Une lecture est son produit. L'interprétation intrinsèque met en évidence les sèmes présents dans une suite linguistique et donne une lecture descriptive ou une lecture réductive méthodologique (limitée consciemment). L'interprétation extrinsèque ajoute des sèmes (lecture productive) ou en néglige erronément (lecture réductive).

2.11 INTERPRÉTANT, TOPOS ET RÉÉCRITURE

Un interprétant est un élément du texte ou de son entour (contexte non linguistique) permettant d'établir une relation sémique, c'est-à-dire en définitive d'actualiser ou de virtualiser au moins un sème. Par exemple, l'identité des signifiants phoniques (homophonie) permet d'actualiser simultanément les sèmes mésogénériques /religion/ et /sexualité/ dans le «Couvrez ce sein [saint] que je ne saurais voir» du faux dévot Tartuffe (Molière) (sur le traitement des homonymies, cf. Hébert 1998). Un topos (topoï au pluriel) est un interprétant socionormé souvent formulable en un axiome (par exemple, dans le récit du terroir : la campagne est préférable à la ville).

Une réécriture est une opération interprétative de type X —Fleche droite |Y|, par laquelle on réécrit un ou plusieurs signes, signifiants, signifiés en un ou plusieurs signes, signifiants, signifiés différents). L'unité-source (X) appartient au texte-objet et l'unité-but (Y), à sa lecture (bien qu'elle puisse avoir des correspondances dans le texte-source).

2.12 MOLÉCULE SÉMIQUE ET FAISCEAU ISOTOPIQUE

Une molécule sémique est un groupement d’au moins deux sèmes (en particulier spécifiques) corécurrents (apparaissant ensemble) diversement lexicalisé dans des occurrences qui reprennent un nombre variable des sèmes constitutifs du type. Il est possible d’étudier la constitution, le maintien intégral ou partiel et, éventuellement, la dissolution d’une molécule sémique au fil de ses occurrences. Les variations de typicalité (ou typicité) des occurrences peuvent être interprétées comme des variations dans la saillance de la molécule (dans l’intensité de sa présence, de son actualisation). Un faisceau isotopique est un groupe d'isotopies indexant plus ou moins les mêmes unités (au niveau d'analyse le plus fin, les mêmes sémèmes). Une molécule induit, produit un faisceau d'isotopies (en particulier spécifiques). Donnons un exemple de molécule. Dans le poème « Le vaisseau d’or » de Nelligan, on trouve une molécule sémique constituée des sèmes /précieux/ + /dispersion/. Elle apparaît au moins trois fois : dans les « cheveux épars » de la belle Cyprine d’amour, laquelle « s’étalait » à la proue du vaisseau, également dans le retrait des trésors du navire que les marins « entre eux ont disputés ». Cette molécule s’oppose à une autre qui la recouvre partiellement, faite de /précieux/ + /concentration/, et qu’on retrouve dans l’« or massif » du Vaisseau voire dans le « soleil excessif » qui plombe.

2.13 CAS SÉMANTIQUE

Les cas sémantiques, dont le nombre est restreint, sont des universaux, des primitives de méthode (et non de fait) qui permettent d'indiquer les relations entre sèmes et donc d’intégrer dans une structure sémantique les sèmes d'une unité. Sans exclusive, la sémantique interprétative emploie principalement les cas sémantiques suivants: ACC (accusatif): patient d'une action; ATT (attributif): caractéristique; BÉN (bénéfactif): entité bénéficiaire de quelque chose; COMP (comparatif): comparaison; DAT (datif): entité recevant une transmission; ERG (ergatif): agent d'une action; FIN (final): but; INST (instrumental): moyen employé; LOC (locatif): localisation spatiale (LOC S) ou temporelle (LOC T); RÉS (résultatif): résultat, conséquence. Par exemple, dire qu’une femme est belle implique la structure sémantique suivante : les sèmes /femme/ et /beauté/ reliés par un cas attributif (ATT). Autre exemple, le sémème-type en langue 'tuer' recouvre certes un processus impliquant les sèmes /inanimé/ et /animé/, mais ceux-ci sont alternatifs à l'ergatif (ce qui tue sera animé ou inanimé) et seul le second se retrouve à l'accusatif (ce qui est tué est, par définition, animé ; cependant /animé/ pourra être virtualisé en contexte et remplacé par /inanimé/, par exemple dans l’expression « Tuer le temps »). Sèmes et cas sont les deux composants des signifiés (à ne pas confondre avec les quatre composantes sémantiques).

2.14 GRAPHE SÉMANTIQUE

Les graphes sémantiques (inspirés de Sowa, 1984) (voir le chapitre sur les graphes sémantiques) sont un formalisme permettant de représenter visuellement des structures sémantiques, c’est-à-dire des sèmes et les cas qui les unissent. Les cas sont alors des liens reliant des sèmes (par exemple des acteurs) constitués en nœuds. Les graphes sémantiques connaissent deux formats: propositionnel et (proprement) graphique. Dans le format propositionnel, textuel, les liens figurent entre crochets et les nœuds entre parenthèses. Par exemple, la structure évoquée précédemment peut se représenter ainsi: [animé] ou [inanimé] Fleche gauche— (ERG) Fleche gauche— [TUER] —Fleche droite (ACC) —Fleche droite [animé]. Dans le format proprement graphique, on emploie, respectivement les cercles elliptiques et les cartouches rectangulaires. Dans les deux formats d’un graphe sémantique, les flèches indiquent l’orientation de la relation entre nœuds.

3. APPLICATION : ANALYSE D’UN TITRE DE ROMAN : NEIGE NOIRE

Il est impossible dans l’espace imparti de présenter une vue d’ensemble des applications possibles de la sémantique interprétative. On trouvera dans d’autres chapitres du site des exemples d’application en ce qui a trait à l’analyse isotopique, à la dialogique et aux graphes sémantiques.

Nous livrerons ici une brève analyse sémique et isotopique du titre d’un roman de cet important auteur québécois qu’est Hubert Aquin : Neige noire (1978).

Analyse sémique du titre d’un roman d’Hubert Aquin

           'sémème'
sème

'Neige'

'noire'

/isotopie/

molécule
(faisceau d'isotopies)

/précipitation/

sème actualisé
microgénérique
inhérent

Ø

Ø

 

/couleur/

Ø

sème actualisé
microgénérique
inhérent

Ø

 

/blancheur/

sème virtualisé
spécifique
inhérent

Ø

Ø

 

/noirceur/

sème actualisé
spécifique
afférent (qualification)

sème actualisé
spécifique
inhérent

isotopie spécifique
/noirceur/

 

molécule
/noirceur/

+
/dysphorique/

/dysphorique/

sème actualisé (saillant)
macrogénérique
afférent

sème actualisé
macrogénérique
afférent

isotopie macrogénérique
/dysphorique/

Quelques précisions.

Le sémème ‘Neige’ contient hors contexte (en langue) notamment le sème inhérent microgénérique /précipitation/ (renvoyant au taxème des //précipitations//, qui inclut les sémèmes ‘neige’, ‘pluie’, etc.) et le sème inhérent spécifique /blancheur/ (qui permet de distinguer, par exemple, ‘neige’ et ‘pluie’ au sein de leur taxème). En contexte, le second sème est virtualisé par l’effet de la qualification : on dit de la neige qu’elle est noire; corrélativement, pour la même raison, le sème afférent /noirceur/ y est actualisé.

Le sémème ‘noire’ contient hors contexte notamment le sème inhérent microgénérique /couleur/ (renvoyant au taxème des //couleurs//, qui inclut des sémème comme ‘noir’, ‘blanc’, etc.) et le sème spécifique inhérent /noirceur/ (qui permet de distinguer, par exemple, ‘noir’ et ‘blanc’ au sein de leur taxème). En contexte, ces sèmes sont tous deux actualisés. Puisque le sème /noirceur/ est actualisé dans deux signifiés différents, ‘neige’ et ‘noire’, une isotopie /noirceur/ est établie.

Le titre renvoie à un topos, à un lieu commun littéraire (et non littéraire) qui fait du noir un élément dysphorique, néfaste (on le trouve, par exemple, chez Nerval : « soleil noir », « point noir »). Pour cette raison, le sème afférent macrogénérique /dysphorique/ est actualisé dans ‘noire’ (comme il est actualisé par un topos, on peut le dire afférent sociolectal). Comme la neige est dite noire, le même sème se trouve actualisé dans ‘neige’; mais le sémème ‘neige’ est lui-même porteur potentiel, en vertu aussi d’un topos, du sème afférent /dysphorique/ : les deux sèmes se trouvent donc à se renforcer mutuellement et deviennent par là saillants; les deux sémèmes servent d’interprétant l’un pour l’autre. Nous considérons toutefois que l’effet de saillance, de mise en évidence, se fait surtout au profit du substantif, en vertu de l’orientation même de la qualification (les actualisations se font en général surtout de l’adjectif vers le substantif). Le sème /dysphorique/ étant actualisé dans deux signifiés différents, une isotopie /dysphorique/ se trouve constituée. Ce sème macrogénérique renvoie à la dimension //dysphorique//, opposée à la dimension //euphorique//.

Par ailleurs, les sèmes /noirceur/ et /dysphorique/ étant corécurrents dans deux signifiés différents, on trouve donc dans le titre une molécule sémique /noirceur/ + /dysphorique/.

D'autres sèmes, évidemment, figurent dans le titre, en particulier /femme/ (cf. dans le journal d'Aquin (cité dans Aquin, 1995: XXXIV) : «la nuit féminoïde», «la femme obscure», «la femme est noire», etc.) et /littérature/ (cf. le «roman noir», caractérisé notamment, comme Neige Noire, par l'érotisme et les références religieuses). Terminons, sans prétendre épuiser le sens de ce titre, sur une connexion symbolique fort probable. Le signe « neige », on le sait, peut désigner de la « poudre de cocaïne » (Le petit Robert). Si le jeu homonymique était avérée, la connexion symbolique reposerait, d’une part, sur l’opposition entre les sèmes inhérents mésogénériques /météorologie/ et /toxicomanie/ (et/ou les sèmes inhérents microgénériques /précipitations/ et /drogues en poudre/) de, respectivement, ‘neige’ et |’cocaïne’| et, d’autre part, l’identité entre leurs sèmes inhérents spécifiques /blancheur/ (il y a sans doute d’autres sèmes spécifiques identiques). Selon des proches, «Aquin était un habitué des médicaments (en particulier des amphétamines), expérimentés librement depuis sa jeunesse [...], pour maintenir son «dynamisme»» (Aquin, 1995: 175). Il a subi en 1963 une cure de désintoxication pendant les trois mois d'hospitalisation nécessités par une tentative de suicide (Aquin, 1995: 202). On retrouve une importante isotopie /médicament-drogue/ dans plusieurs de ses oeuvres (par exemple, Prochain épisode et «De retour le 11 avril»), et dans Neige noire (1978 : 262) Linda dira : «C'est comme si j'étais intoxiquée par un divin poison...»

4. OUVRAGES CITÉS

AQUIN, H. (1978), Neige Noire, Montréal, Le Cercle du livre de France, 264 p.
AQUIN, H. (1995), Prochain épisode, Édition critique de l'oeuvre d'Hubert Aquin, Tome III, vol. 3, établie par J. Allard, Montréal, Bibliothèque québécoise, I-LXXXIV, 1-291 p.
HÉBERT (1998), « Onomastique, homonymie, paronymie et polyglossie. L’exemple de Prochain épisode », Degrés, Bruxelles, 26-94, été, d1-d21.
HÉBERT, L. (2001), Introduction à la sémantique des textes, Paris, Honoré Champion, 232 p.
RASTIER, F. (1987), Sémantique interprétative, Paris, P.U.F., 277 p.
RASTIER, F. (1989), Sens et textualité, Paris, Hachette, 287 p.
RASTIER, F. (1991), Sémantique et recherches cognitives, Paris, P.U.F., 262 p.
RASTIER, F. (1996) [1987], Sémantique interprétative, Paris, P.U.F., 284 p.
RASTIER, F. (2001), Arts et sciences du texte, Paris, P.U.F., 303 p.
RASTIER, F., M. CAVAZZA et A. ABEILLÉ (1994), Sémantique pour l'analyse, Paris, Masson, 240 p.
SOWA, J. (1984), Conceptual Structures, Reading (Massachusetts), Addison-Wesley, 481 p.

5. EXERCICES

A. Répondez aux questions suivantes :
  1. Trouvez le sème mésogénérique commun : 'table', 'chaise', 'bureau'.
  2. Trouvez le sème microgénérique commun : 'cigarette', 'cigare', 'pipe'.
  3. Trouvez les sèmes macrogénériques communs : 'homme', 'renard', 'roche'.
  4. Trouvez les sèmes macrogénériques communs : 'gloire', 'amitié', 'fraternité'.
  5. Trouvez les sémèmes du taxème des //agrumes pour déjeuner//. Trouvez pour chacun un sème spécifique le distinguant de tous les autres.
  6. Trouvez une molécule sémique présente dans chacun des mots suivants : «Mourir, crevez, parachever, fermer».
B. Citez une courte phrase d'un texte littéraire connu (par exemple, « Le dormeur du val » de Rimbaud) où, en passant des unités-type (en «langue») aux unités-occurrence (en contexte), se produisent au moins une actualisation d'un sème non-présent dans le type et une virtualisation d'un sème présent dans le type. Justifiez votre réponse.

Phrase :
Sème actualisé: / __________ / dans le signifié '__________'
Justification:

Phrase :
Sème virtualisé: / __________ / dans le signifié '__________'
Justification:

C. Pour chacune des deux connexions métaphoriques qui suivent, trouvez les sèmes génériques incompatibles et les sèmes spécifiques communs : « Qu'est devenu mon cœur, navire déserté // Hélas! Il a sombré dans l'abîme du Rêve. » (« Le vaisseau d’or » de Nelligan).
D. En justifiant vos réponses, exemplifiez au moins quatre des types ou statuts de sèmes prévus dans la sémantique interprétative (inhérent/afférent, actualisé/virtualisé, spécifique / micro-, méso-, macrogénérique). Modèle de réponse : Le sème / __________ / dans le signifié '__________' est un sème __________.

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